50 ans du CPQ; Entrevue avec Yves-Thomas Dorval

En même temps que le Conseil du patronat du Québec célèbre son 50e, son président-directeur général, Yves-Thomas Dorval, fête son 10e anniversaire à la tête de l’organisation. Il explique comment le CPQ contribue de façon constructive, aujourd’hui comme à ses débuts, à bâtir la prospérité économique et sociale du Québec.

Le CPQ est d’abord perçu par le grand public comme le porte-voix des grandes entreprises. Cette perception est-elle fidèle à la réalité?

Yves-Thomas Dorval : « La majorité de nos revenus provient des cotisations des grandes entreprises, mais notre représentativité est beaucoup plus large : nous représentons les employeurs du Québec, quel que soit leur taille ou leur statut. Nos membres directs ne comptent pas seulement des entreprises privées, mais aussi des employeurs des secteurs parapublic, coopératif et institutionnel. Et par l’intermédiaire des quelque 100 associations professionnelles que nous regroupons, nous représentons également des employeurs de toute nature dans des secteurs aussi variés que les ressources naturelles, la transformation et les services. Le CPQ représente ainsi plus de 70 000 employeurs, dont une grande portion de PME. »

Défendez-vous seulement les intérêts des employeurs?

Y.-T. D. : « C’est notre mission première. Le CPQ amorce ses opérations en 1969 pour servir d’interlocuteur représentant les employeurs auprès des syndicats, des gouvernements et des autres acteurs sociaux. Les premiers chantiers concernaient directement le monde du travail : code du travail, santé et sécurité au travail, normes du travail, langue française au travail, intégration des femmes au marché du travail, etc. Mais, très vite, nous nous sommes trouvés impliqués dans des débats beaucoup plus larges. »

Les interventions du CPQ débordent-elles encore du champ économique?

Y.-T. D. : « Absolument. Au fil des années, nous sommes intervenus de plus en plus souvent sur des enjeux qui, au-delà de leur dimension économique, ont une résonance plus large pour la société québécoise. Nous avons été parmi les premiers à sonner l’alarme concernant le vieillissement de la population. Aujourd’hui, nous nous soucions aussi beaucoup des changements climatiques et même de la petite enfance. L’élargissement de nos champs d’intervention reflète une évolution dans la façon d’envisager le développement économique. Nous visons un développement durable qui repose sur trois piliers : l’économie, le social et l’environnement. »

Parmi les défis d’avenir, quel est celui qui vous préoccupe le plus actuellement?

Y.-T. D. : « Le défi du capital humain dû à la démographie est l’enjeu à court et à moyen terme qui nous mobilise en priorité. Déjà, plusieurs régions et secteurs connaissent des pénuries de main-d’œuvre. Au cours des dix prochaines années, nous allons devoir pourvoir 1,5 million de postes. C’est un défi immense. Le défi des changements climatiques et les prochains changements technologiques auront également des répercussions gigantesques à moyen et à long terme. »

Quelles solutions envisagez-vous en ce qui concerne la main-d’œuvre?

Y.-T. D. : « D’abord, placer l’éducation et la formation au centre de nos priorités, puisque la moitié des postes à pourvoir d’ici dix ans le seront par les jeunes qui sont actuellement dans les réseaux scolaires et de l’enseignement supérieur, et que la formation des travailleurs actuellement en emploi est incontournable dans le contexte
des transformations majeures que nous traversons. Ensuite, l’immigration est nécessaire, car les travailleurs provenant de l’étranger comptent pour le quart des postes à pourvoir. Enfin, il faut solliciter des bassins de main-d’œuvre jusqu’ici négligés, tels que les personnes en situation de handicaps, les autochtones, les travailleurs âgés,
les personnes en réinsertion sociale et les travailleurs temporaires ou saisonniers issus de l’étranger. Nous menons déjà avec des partenaires plusieurs projets pour mieux utiliser les compétences de ces personnes. En fait, l’enjeu de la main-d’œuvre est tellement important qu’il pousse le CPQ vers une évolution majeure : pour la première fois de son histoire, il va commencer à offrir des services directement aux employeurs. À partir du printemps 2019, nous déploierons graduellement à travers les régions des services d’accompagnement en ressources humaines pour les entreprises. »

Est-ce là le seul changement important que connaît le CPQ?

Y.-T. D. : « Nous avons aussi une ouverture vers l’international. Dans un monde de plus en plus interdépendant, nous devons nous impliquer non seulement dans les discussions touchant les réglementations internationales qui ont un impact direct sur les entreprises québécoises, mais aussi quant aux réglementations nationales des autres pays qui peuvent avoir des conséquences pour les entreprises d’ici qui font affaire à l’étranger. Nous siégeons déjà aux assises annuelles de l’Organisation internationale du Travail (OIT) à Genève. Le CPQ a été accrédité récemment pour participer aux Conférences des Nations-Unies sur le climat (COP) et a participé à la COP24 en Pologne. La dimension internationale de nos activités prendra de plus en plus d’importance. »

Avec tous ces changements, la mission du CPQ et ses valeurs ont-elles évolué?

Y.-T. D. : « Fondamentalement, notre mission demeure la même : nous représentons les employeurs, nous nous faisons l’écho de leurs préoccupations et nous nous intéressons à toutes les décisions qui les touchent. C’est plutôt notre perspective qui s’est élargie. Les enjeux qui concernent les employeurs sont multiples et plus variés que les questions directement liées au monde du travail qui avaient justifié la naissance du CPQ. Nos valeurs n’ont pas changé. La volonté de chercher le dialogue est inscrite dans notre ADN : quand on dialogue, on ne cherche pas seulement à exposer nos positions, on veut écouter, et on se tient prêt à modifier nos perceptions si l’on reçoit de nouvelles informations ou des arguments convaincants. Le dialogue est souvent long, sa nécessité est parfois difficile à accepter pour le milieu économique, mais c’est le meilleur moyen d’obtenir des résultats durables et d’éviter les risques de crise sociale. À 50 ans, la reconnaissance du CPQ comme l’un des principaux partenaires du dialogue social est peut-être ce dont nous pouvons être les plus fiers. »

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