Lettre d’opinion d’Yves-Thomas Dorval, président–directeur général du Conseil du patronat du Québec
Le Journal de Montréal, p. 42 / Le Journal de Québec, p. 16 – 10 novembre 2014
Le Quotidien (Chicoutimi), p. 12 – 25 novembre 2014
Les deux dernières semaines nous ont permis de constater que le gouvernement du Québec ne ménage pas ses efforts dans son entreprise de relance du Plan Nord. Le premier ministre lui-même s’en est fait l’ambassadeur en Chine, puis en Islande dans le cadre de l’Arctic Circle, et tout récemment encore, à l’occasion de la visite du président de la République française.
Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, de son côté, a posé un jalon important en déposant le projet de loi 11, qui vise à mettre sur pied la Société du Plan Nord.
Loin de l’engouement et de l’excitation entourant le lancement du Plan Nord en 2011, dans un contexte de boom minier, le gouvernement se devait d’envoyer un signal fort aux investisseurs tout en demeurant prudent, alors que les marchés tournent au ralenti. On ne peut que saluer cette volonté de préparer l’avenir, particulièrement dans un cycle baissier du cours des métaux comme celui que nous connaissons actuellement.
À cet égard, la constitution d’une structure entièrement dédiée à la réalisation du Plan Nord est un pas dans la bonne direction, car il faudra que le gouvernement s’attarde à recréer un environnement d’affaires favorable à long terme, notamment sur le plan fiscal et réglementaire. Cela prendra nécessairement du temps, et c’est pourquoi il importe que la Société du Plan Nord puisse rapidement réunir les conditions gagnantes à la renaissance d’un climat de confiance entre les différentes parties prenantes concernées.
En effet, la Société du Plan Nord aura à réconcilier des besoins parfois contraires aux aspirations des uns et des autres: les employeurs, aux prises avec des défis de disponibilité et de qualification de la main-d’œuvre; les employés, qui hésiteront entre travailler selon un mode fly in-fly out ou demeurer dans ces régions éloignées; les collectivités et les peuples autochtones, qui souhaiteront obtenir leur part de retombées et voir de nouveaux arrivants s’installer dans le respect de leur mode de vie et de leurs traditions.
L’exploitation responsable de nos ressources naturelles dans le Nord est une condition essentielle du développement économique et de la prospérité du Québec. Si, comme société, nous voulons voir se libérer le formidable potentiel de développement de ce territoire, nous avons le devoir d’établir les conditions d’un véritable dialogue qui ne soit pas uniquement axé sur les considérations sociales et environnementales. Oui, il faudra chercher à atténuer le plus possible les impacts négatifs, et oui, il faudra chercher à optimiser au maximum les retombées positives, mais cela ne pourra se faire en vase clos. Il faudra aussi sortir les promoteurs de leur isolement et se placer collectivement en disposition de discuter d’économie.
Nous l’avons vu lors des audiences entourant le projet de loi 11, nous ne pourrons faire l’économie d’un dialogue social renforcé afin de trouver une issue acceptable à des projets de développement économique complexes qui, en raison de la nature de leurs activités, répondent à des cycles de vie qui s’étendent sur 50 ou 100 ans, mais très rarement au-delà.
Au-delà de l’adoption du projet de loi 11, le vrai défi qui attend donc le gouvernement du Québec et cette nouvelle société d’État est le suivant: parvenir à se porter garants de la stabilité et de la prévisibilité d’un environnement d’affaires à risque pour les entreprises et les investisseurs, tout en mettant en œuvre un mode de développement respectueux de milieux fragiles et des populations qui y vivent.