Lettre d’opinion du président-directeur général du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval.
Le Quotidien (Chicoutimi), p. 13 – 13 novembre 2015
Moins d’impôts compensés par une augmentation de la TVQ au Québec: la formule suggérée par le rapport Godbout pourrait en effet contribuer à rendre la fiscalité québécoise plus efficiente. Toutefois, bien que l’orientation semble logique, des considérants importants s’imposent, à la veille des consultations prébudgétaires, pour envisager d’autres pistes d’actions avant une éventuelle hausse généralisée de la TVQ.
Dans ce nouveau «mix» fiscal, tous les Québécois seraient mis à contribution à travers une hausse de la taxe de vente, et l’équité entre riches et pauvres continuerait d’être garantie par des crédits d’impôt et des transferts aux moins nantis. Cependant, les effets d’une troisième hausse de la TVQ en cinq ans pourraient avoir des répercussions néfastes sur un ensemble de secteurs, notamment sur les détaillants. Au Québec, le taux de taxation et le fardeau fiscal global des particuliers sont déjà parmi les plus élevés en Amérique du Nord et le revenu personnel disponible est parmi les plus faibles. Il faut donc être très prudent.
Une hausse de 1% pourrait aussi avoir des répercussions sérieuses dans le secteur de la construction résidentielle, car sur le prix d’une habitation cela peut représenter une somme considérable, surtout pour les jeunes familles. De surcroît, la proposition d’abolir le remboursement des taxes à l’achat d’une maison neuve ou d’un logement locatif menace l’accessibilité à la propriété. Il est important que le gouvernement maintienne cette mesure qui date de 1991 afin de ne pas nuire à l’abordabilité des habitations.
D’autres secteurs, de leur côté, ont une capacité limitée à pouvoir intégrer une hausse de taxe dans leur secteur d’activité, ce qui met en péril leur profitabilité. C’est le cas, par exemple, de la taxe sur les boissons alcooliques sur la bière. Il faut savoir que depuis 2015, le consommateur québécois paye environ le même prix pour une caisse de 24 bières qu’il y a 12 ans, et ce, du fait que les brasseurs ont une capacité limitée de pouvoir transférer cette taxe aux consommateurs, étant donné la dynamique concurrentielle imposante du secteur de la vente au détail.
Avant d’aller de l’avant avec une hausse généralisée de la TVQ, plusieurs initiatives pourraient être envisagées.
Afin de renflouer les caisses de l’État, le gouvernement pourrait d’abord colmater les brèches fiscales venant des transactions en ligne, qui augmentent chaque année de façon exponentielle. En 2012, Revenu Québec estimait ainsi à 465 millions de dollars les pertes fiscales qui échappaient au ministère des Finances en taxes non perçues par le commerce électronique, pour l’achat de biens provenant des autres provinces du Canada (300 millions de dollars) et de l’international (165 millions de dollars). Outre les pertes de revenus pour le gouvernement, ce phénomène a pour conséquence de désavantager de façon importante les compagnies québécoises par rapport aux entreprises hors Québec qui n’ont pas l’obligation d’imposer la TVQ. Ainsi, une hausse de la TVQ ne ferait qu’exacerber cette problématique.
Dans un autre ordre d’idée, le recours à l’écofiscalité et au principe de l’utilisateur/pollueur payeur est un autre exemple d’action à envisager avant une hausse généralisée de la TVQ. En contrepartie, la commission Godbout, de même que les écologistes et les gens d’affaires, s’entendent sur l’importance d’améliorer la fiscalité en défiscalisant les activités créatrices de valeur, comme le travail et l’investissement, pour améliorer la compétitivité et la productivité du Québec. D’ailleurs le gouvernement compte mettre sur pied un groupe de travail sur l’écofiscalité au cours des prochains mois, dans le cadre de la mise en oeuvre de sa nouvelle Stratégie gouvernementale de développement durable.
S’il est effectivement possible de mieux taxer pour mieux prospérer, il nous apparaît important de rappeler que la meilleure stratégie du gouvernement du Québec doit consister en une diminution du fardeau fiscal global des entreprises et des particuliers.