Réussir l’immigration pour une société prospère

Chronique de Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef du Conseil du patronat du Québec


Premières en Affaires, p. 8 – Avril-Mai 2015


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Une question qui peut être délicate, un sujet majeur, l’immigration sollicite souvent des débats au sein des sociétés occidentales. Toutefois, la question migratoire doit être ramenée à une place raisonnable dans le débat public. S’il y a peu d’évidence d’impact direct de l’immigration à court terme, que ce soit positif ou négatif, c’est à long terme que les effets indirects se manifestent, et l’évidence empirique suggère que ces effets sont positifs pour l’économie. Ce n’est pas donc surprenant que plusieurs économistes, de toutes les affiliations idéologiques, aient recommandé récemment que les pays développés accueillent plus d’immigrants dans les prochaines années et que l’immigration s’avère l’un des moyens principaux à contribuer à la prospérité de ces sociétés.

Il en va de même pour le Québec. À l’instar de plusieurs sociétés contemporaines, le Québec connaît un vieillissement de sa population et l’immigration en constitue une piste de solution, même si elle n’est ni la seule ni la plus importante, à condition bien entendu de retenir et d’intégrer les immigrants. En étant relativement plus jeunes que l’ensemble de la population, les immigrants permettent de ralentir le vieillissement démographique au Québec ; leur principal apport économique consiste à offrir des personnes en âge de travailler.

Qui dit immigration dit intégration sociale et celle-ci aurait plus de chances de réussite si elle était accompagnée d’une insertion professionnelle et d’une intégration sur le marché du travail. Or, le Québec n’a pas bien réussi l’intégration économique de ses immigrants. La différence entre le taux de chômage de la population immigrante et celui de la population née au Canada est parmi les plus élevées au pays comme le démontre le graphique ci-dessous(1). Entre 2010 et 2013, le taux de chômage des immigrants très récents au Québec équivalait à trois fois et demie celui des personnes nées au Canada.


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Cependant, il est encourageant de constater que des avancées ont eu lieu récemment. Par exemple, le nombre d’emplois chez les immigrants a connu un accroissement de 42 400 emplois en 2013, soit 90 % de la création nette d’emplois au Québec, en comparaison à 48,5 % en 2006. Force est d’admettre toutefois que des efforts doivent être poursuivis. L’action en amont doit être prioritaire par le ciblage de la politique d’immigration en fonction des besoins spécifiques du marché du travail, avec des critères suffisamment souples de la grille de sélection pour s’adapter à la réalité en constante évolution des entreprises québécoises. Le système de « déclaration d’intérêt » que le gouvernement du Québec envisage instaurer est un pas dans la bonne direction.

Ce système de gestion des demandes d’immigration est déjà en vigueur en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il vise à enlever l’obligation d’étudier toutes les demandes soumises et de donner la priorité à la « déclaration d’intérêt » ce qui permettrait d’améliorer l’efficacité du processus en accélérant le traitement des demandes et en évitant l’accumulation d’un inventaire de dossiers. Le système de « déclaration d’intérêt » devrait aussi assurer la participation des employeurs et des instances territoriales au processus d’immigration tout en permettant un meilleur arrimage avec les besoins de main-d’œuvre.

Une immigration réussie contribuerait à un Québec plus prospère. Les employeurs québécois cherchent des profils avec des qualifications de plus en plus sophistiquées. Dans un contexte de concurrence mondiale accrue, il est important que les lois et règlements en matière d’immigration soient modernisés pour répondre à ces besoins spécifiques et ce dans l’intérêt de tous, les immigrants eux-mêmes que leur société d’accueil.

Note

  1. Conseil du patronat du Québec.
    Bulletin de la prospérité du Québec 2014
    . En se basant sur des données de Statistique Canada.
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