Patrons et chômeurs unis pour une réforme de l’assurance-emploi

Lettre ouverte cosignée par Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ, publiée le 1er avril 2022 dans Le Devoir.

Le Conseil national des chômeurs et chômeuses et le Conseil du patronat du Québec joignent leurs voix pour demander une réforme du programme d’assurance-emploi. Voilà un accord qui semblera, aux yeux de plusieurs, inusité, voire contre nature. Nous pouvons convenir qu’une telle rencontre est assez rare, tout comme nous pouvons assumer que la démocratie demeure un défi de tous les jours, un exercice sensible qui, justement, prend forme avec cette composition de nos différences et la recherche de canaux d’entendement.

C’est ainsi que nos sociétés se définissent et se construisent, et cela demeure un défi de tous les instants. Nous proposons aujourd’hui un tel dialogue pour soutenir le projet d’une réforme du programme d’assurance-emploi.

La pandémie qui a sévi ces deux dernières années a mis en lumière d’importantes lacunes dans le régime de l’assurance-emploi (RAE). Ce dernier s’est avéré incapable de répondre à l’afflux de demandeurs de prestations causé par la crise. De nombreux travailleurs, salariés, autonomes ou de la nouvelle économie, se sont retrouvés sans revenus, conduisant le gouvernement fédéral en mars 2020 à créer des programmes d’urgence et à consentir des assouplissements au RAE qui prendront fin en septembre prochain.

La lettre de mandat de la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes en situation de handicap indique qu’elle doit présenter et commencer à mettre en œuvre d’ici l’été 2022 un plan de modernisation du programme d’assurance-emploi mieux adapté au XXIe siècle, plus simple et répondant mieux aux besoins des travailleurs et des employeurs.

Cette réforme en profondeur est réclamée depuis plusieurs années par tous les partenaires du marché du travail. Cette convergence s’appuie sur deux objectifs : les travailleurs doivent pouvoir compter sur un filet social qui leur assure une meilleure protection lors d’une période de chômage, tout en assurant aux employés actuels et futurs la meilleure formation possible pour répondre aux défis du marché de l’emploi.

Nos deux organisations ont donc mis en place un cadre d’échanges fondé sur le respect mutuel de nos positions respectives, que ce soit pour le renforcement du filet social ou pour le perfectionnement des compétences. Nous croyons que trois principes d’équilibre devraient guider le gouvernement fédéral dans sa réforme de l’assurance-emploi.

Assurer une meilleure protection aux travailleurs

La portée du RAE a considérablement été réduite au cours des dernières décennies. C’est pourquoi il nous apparaît nécessaire d’apporter des assouplissements et une simplification des conditions d’admissibilité afin d’en augmenter l’accessibilité et la couverture et, de façon générale, d’améliorer les protections qui sont prévues, tout en simplifiant la gestion et l’application de ce programme. Certains secteurs du monde du travail, nous pensons entre autres au travail saisonnier, mais aussi au monde du travail autonome et du travail à la demande, méritent ici toute notre attention.

Le RAE comme occasion privilégiée de formation

Nous faisons face à un contexte de pénurie de main-d’œuvre qui s’explique, entre autres, par un besoin de formation pour acquérir les compétences requises. L’évolution technologique est extrêmement rapide, et devant les défis que pose la transition écologique, nous croyons que différentes formes d’aide pourraient être bénéfiques. Parmi celles-ci : des investissements nécessaires dans l’infrastructure numérique ; une bonification des allocations d’assurance-emploi pour qui consentirait, sur une base volontaire, à un parcours de formation ; une aide accrue aux employeurs qui veulent soutenir leurs employés aux prises avec un manque de qualifications.

Rétablir le partenariat social dans le financement

Il convient de rappeler que le RAE est un programme qui a été mis sur pied pour assurer un soutien temporaire du revenu aux travailleurs et travailleuses sans emploi. Certaines mesures à caractère social ont également été incorporées au régime, notamment les prestations de maladie, les prestations pour proches aidants et celles de compassion, les prestations de maternité et parentales (le Québec dispose de son propre régime d’assurance parentale). Les coûts du programme devant demeurer abordables, nous privilégions une formule de financement de la caisse d’assurance-emploi impliquant un retour de la participation financière du gouvernement fédéral afin d’alléger le fardeau autant pour les travailleurs que pour les employeurs.

Nous croyons que le temps est venu de réformer le régime d’assurance-emploi, de façon qu’il retrouve sa vocation première : une assurance pour les travailleurs au chômage et un régime qui soutient travailleurs et employeurs dans leur quête d’une main-d’œuvre qui pourra aspirer à une meilleure qualité de vie. C’est l’ensemble de la société qui en bénéficiera.

Signataires

Karl Blackburn et Pierre Céré, respectivement président du Conseil du patronat du Québec (CPQ) et porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC).

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