Certains de vos employés font partie des sinistrés à la suite des inondations survenues ce printemps au Québec ? Il est fort probable que vous observiez des changements dans leur attitude ou leurs comportements au cours des prochains mois. Voici quelques pistes pour vous permettre de mieux comprendre ce qu’ils peuvent vivre et ainsi être mieux outillé pour les assister.
Les inondations ont engendré des pertes importantes pour les individus qui les ont subies. Que ce soit sur le plan matériel, financier ou émotif, ces pertes se traduisent nécessairement par un processus de deuil. Imaginez combien il peut être difficile de se défaire abruptement d’objets de valeur ou de souvenirs précieux… Bien entendu, chaque personne vit le deuil à son rythme et de nombreuses variations dans les réactions individuelles peuvent être observées. Toutefois, il existe un modèle inspiré des travaux d’Élisabeth Kübler-Ross, psychiatre et psychologue, qui représente les diverses étapes généralement traversées par les gens à la suite d’événements qui bouleversent leur vie.
Ce modèle (illustré ci-dessus) permet principalement de comprendre les réactions vécues dans un processus de deuil ou de changement subi. Dans les deux cas, la personne doit laisser aller une réalité dans laquelle elle aurait aimé rester afin d’accueillir une nouvelle réalité non souhaitée. De façon générale, à la suite des événements, la personne vivra deux grandes phases : une phase descendante, suivie d’une phase ascendante. Avant d’entamer la phase ascendante, vos employés sinistrés connaitront des moments difficiles dont vous serez sans doute témoin, de près ou de loin.
Phase descendante
À travers cette phase, la personne sera tournée vers le passé et entretiendra fort probablement une attitude plutôt négative. Au travail, elle pourra être moins productive, car ses préoccupations personnelles peuvent prendre beaucoup de place.
Au moment du choc, la personne fait face à une situation inattendue qui lui fait perdre ses repères et son sentiment de sécurité au quotidien. Par la suite, une période de déni peut s’installer, comme si c’était impossible que cet événement soit réel. La personne a ainsi l’impression qu’elle est dans un cauchemar et qu’elle va se réveiller ! Et petit à petit, la colère apparaît, la personne en veut à la terre entière, à elle-même, à son entourage, voire même à son collègue qui n’est pas touché et qui ne comprend pas. Puis, la peur se fait sentir. « Est-ce que je vais m’en sortir ? », « Comment vais-je m’y prendre ? », « Je ne serai jamais capable, c’est trop difficile… ». Les questionnements se font alors plus insistants ce qui peut engendrer des réactions anxieuses chez certaines personnes. Vos employés sinistrés pourraient donc être tendus, fatigués, moins concentrés et avoir les émotions à fleur de peau. Comme la courbe ne suit pas toujours un chemin linéaire, il est possible à ce stade-ci que la colère, la peur et la tristesse se chevauchent. Cette période est marquée par un profond sentiment d’impuissance et l’employé pourrait parfois avoir besoin de pleurer pour extérioriser son découragement.
Chacune de ces étapes émotives aura une durée plus ou moins longue d’une personne à l’autre et il n’est pas rare de vivre deux sentiments à la fois. Il est important de vivre ces étapes, de les reconnaître, de les accepter et de se faire aider au besoin (psychologue, PAE, CLSC, etc.). En tant que gestionnaire, il est primordial de faire preuve d’écoute et de compréhension face à l’employé sinistré. Évitez d’émettre des commentaires de type « Ce n’est pas grave », « Ça aurait pu être pire » ou « Tout va bien aller ». Le sinistré a plutôt besoin de compassion et de se faire valider dans l’importance des pertes qu’il a subies. Par la suite, on peut l’aider à relativiser certaines choses en mettant l’accent sur ce qui est encore présent dans sa vie : la santé, la famille, l’équipe de travail, etc. Si l’employé est moins réceptif aux tentatives de soutien qui lui sont prodiguées au travail, il pourrait être indiqué de lui proposer d’alléger son horaire ou ses tâches sur une base temporaire, en convenant clairement la durée de l’arrangement. La personne pourra alors être soulagée d’un certain stress et bénéficier de temps pour régler certaines questions personnelles sur les heures habituelles de travail.
Lors d’un bouleversement tel que celui d’une inondation majeure (ou toute autre catastrophe naturelle), il est évident que cela peut avoir des impacts importants sur l’entourage. En effet, l’employé sinistré revient au travail, mais il n’est pas tout à fait présent psychologiquement; il peut faire des erreurs, prendre de mauvaises décisions et sa productivité peut être affectée. Tout cela n’est pas facile pour les collègues et l’entourage. La patience est de mise, mais bien sûr, il est important de continuer à livrer un travail de qualité et en ce sens des mécanismes de validation et une réévaluation des priorités pourraient s’avérer appropriés. Le gestionnaire doit non seulement se préoccuper de l’employé sinistré, mais également du reste de l’équipe qui peut s’en trouver surchargée.
Phase ascendante
Heureusement, l’être humain possède une grande capacité d’adaptation et une amélioration est à prévoir à moyen terme. Lorsque la personne est bien entourée et se sent écoutée, elle finira par mieux vivre avec la situation, en apprenant à accepter ce qui s’est passé et en cessant d’en vouloir aux présumés responsables. Ensuite, malgré la nostalgie qui peut perdurer, l’individu peut arriver à trouver un sens aux événements. À la manière d’un « cadeau mal emballé », ce type d’épreuve se traduit souvent par des apprentissages, des liens renforcés ou un sentiment de renouveau dans la vie de la victime. Le quotidien se redéfinit et la sérénité peut alors reprendre sa place. Votre employé redeviendra enfin lui-même, voire une version améliorée, et votre patience aura été récompensée !
Avec la collaboration spéciale de Guylaine Deschênes, PhD, CRAH
Psychologue organisationnelle et conseillère senior chez Bourassa Brodeur Bellemare
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