Programme d’aide d’urgence au transport collectif des personnes — Préoccupations quant à l’arrimage avec les objectifs de la Politique de mobilité durable

Un financement adéquat et suffisant du transport collectif est essentiel pour atteindre les cibles que nous nous sommes fixées dans la Politique de mobilité durable.

Lettre cosignée par le Conseil du patronat du Québec, adressée M. François Bonnardel, ministre des Transports du Québec.

Monsieur le ministre,

Le comité de suivi de la Politique de mobilité durable souhaite vous faire part de ses préoccupations relatives au Programme d’aide d’urgence pour le transport collectif (PAUTC) et ses répercussions sur l’offre de service aux citoyens. En effet, sans la modification de certaines modalités du programme, des coupes importantes dans l’offre de service des transporteurs seront inévitables et affecteront directement les usagers, mettant à mal les engagements de la Politique de mobilité durable 2030 (PMD).

L’impact des modalités du programme sur les budgets des transporteurs

Le programme prévoit une aide financière compensant 50 % des pertes tarifaires, signifiant que les transporteurs assument le reste de ces pertes. Considérant en plus les coûts supplémentaires engendrés par la crise, les sociétés de transport et les transporteurs régionaux et ruraux afficheront un déficit important en 2020, et qui devra être comblé à même leur budget 2021, selon les règles comptables qui leur sont applicables et les modalités du PAUTC.

Puisque le programme d’aide prévoit un plafonnement de l’augmentation de la contribution municipale à l’indice du prix à la consommation (IPC), les municipalités ne pourront contribuer à résorber ce déficit. Rappelons qu’historiquement, l’augmentation annuelle de la contribution municipale est supérieure à l’IPC. Ainsi, en limitant l’augmentation de la contribution municipale à l’IPC en 2021, le PAUTC diminue l’apport habituel des municipalités, créant un manque à gagner supplémentaire, avec un IPC en 2020 fort probablement plus bas que les dernières années en raison de la pandémie.

Malgré un contexte incertain, les sociétés de transport nous avisent que des efforts de réduction de coûts sont en cours. Toutefois, il devient évident que si l’objectif est de présenter un budget équilibré pour 2021, les sociétés et transporteurs régionaux n’auront d’autres choix que d’effectuer des coupes importantes dans leurs offres de service, d’augmenter fortement les tarifs et de reporter des projets priorisés par le gouvernement tels que l’électrification des transports. De plus, pour les personnes dépendantes des transports collectifs, ces coupes signifient une réduction importante des possibilités de travail et de formation comme de consommation et d’activités sociales alors que le Québec peine encore à retrouver son souffle. Par conséquent, il est impossible de concilier budget équilibré et rétablissement graduel de l’offre de service au niveau planifié avant la crise, tel qu’exigé par les modalités du programme d’aide.

La Politique de mobilité durable : plus importante que jamais

La PMD fixe des objectifs ambitieux à atteindre d’ici 2030. Nos échanges avec les fonctionnaires de votre ministère nous ont rassurés en confirmant que ces objectifs seraient maintenus et que seul le plan d’action devrait être ajusté au regard de la crise sanitaire que nous traversons. Comme ces objectifs sont toujours pertinents, il est primordial de poser dès aujourd’hui les gestes adéquats pour nous permettre collectivement de les atteindre, d’autant plus que nous traversons une crise qui affecte l’image des transports collectifs.

En permettant des coupes de services en transport collectif, le message envoyé à la population aux acteurs de la mobilité durable est contraire à celui de la PMD. Si le gouvernement souhaite toujours une diminution de 20 % de la part des déplacements effectués en auto solo à l’échelle nationale, il faut offrir des services de transport collectif attrayants aux Québécois et Québécoises. Puisqu’une diminution de l’offre de service entraîne généralement une baisse de l’achalandage – notamment à travers une perte de confiance des usagers -, et donc une baisse des revenus tarifaires créant une pression supplémentaire sur les budgets, le Québec risque de voir s’installer un cercle vicieux difficile à arrêter. La situation très particulière que nous vivons actuellement à cause de la pandémie de COVID-19 est temporaire, par contre, les effets des coupes sur l’achalandage se feront sentir pendant plusieurs années puisque rebâtir l’offre de service et regagner l’achalandage sera long et difficile. En bref, une fois une ligne abandonnée, les usagers habituels ne reviennent généralement pas, même si elle est rétablie quelques années plus tard.

Par ailleurs, alors que la santé publique recommande de pratiquer la distanciation sociale, une réduction de l’offre de service engendrera un plus grand entassement à bord des véhicules, ce qui rend la distanciation physique difficile, affectant d’autant le sentiment de sécurité des usagers. Même si les impacts de la pandémie risquent d’entraîner à court terme une augmentation annuelle de l’offre de service de transport en commun inférieure à 5 %, nous croyons que cette cible mérite d’être maintenue et atteinte au cours de la période de mise en œuvre de la PMD. Par conséquent, il demeure important de maintenir l’offre de service au niveau prépandémie. Pour ce faire, le financement et les ressources doivent être au rendez-vous.

Des pistes de solution

Pour relever le défi de soutenir financièrement le secteur des transports collectifs durement affectés par la pandémie, plusieurs pistes de solutions nous apparaissent possibles. Nous suggérons les suivantes :

  • Verser dans les plus brefs délais les versements des subventions pour les années 2018 et 2019 et verser les sommes de 2020 basées sur les budgets et prévisions prépandémie avant la fin de l’année en cours.
  • Permettre d’amortir sur une plus longue période les pertes liées à la crise plutôt que de les assumer totalement en 2021.
  • Compenser les pertes et dépenses telles que comptabilisées par les transporteurs ou, à tout le moins, augmenter substantiellement le pourcentage de la compensation offerte.
  • Permettre aux municipalités qui le souhaitent d’augmenter leur contribution au transport collectif au-delà de l’indice de prix à la consommation.
  • Utiliser les données d’achalandage et d’offres de service de 2019 pour les versements 2021 des programmes d’aide financière basés sur ces variables.
  • Aller chercher un investissement plus important du gouvernement fédéral, à l’instar d’autres provinces comme la Colombie-Britannique et l’Ontario, en augmentant la contribution du Gouvernement du Québec.

Un financement adéquat et suffisant du transport collectif est essentiel pour atteindre les cibles que nous nous sommes fixées dans la Politique de mobilité durable. La situation actuelle affecte certes tous les secteurs d’activités, mais peu d’entre eux ont autant d’impact sur la société. Sachant que les bénéfices d’investir en transport collectif sont à la fois environnementaux, sociaux et économiques, nous sommes persuadés que vous saurez agir pour ajuster le programme d’aide financière, sauvegardant l’atteinte des objectifs de notre Politique de mobilité durable et des grandes cibles gouvernementales en matière d’environnement et d’économie qu’elle permet de réaliser.

Sachez que nous sommes entièrement disposés à vous soutenir et travailler avec vous dans la recherche de solutions gagnantes. Veuillez agréer, monsieur le ministre, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

Signataires

Aéroports de Montréal (ADMTL)
Alliance TRANSIT
Association du camionnage du Québec (ACQ)
Association des transports collectifs ruraux du Québec (ATCRQ)
Association du transport urbain du Québec (ATUQ)
Cargo Montréal (CargoM)
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN)
Équiterre
Fédération québécoise des municipalités (FQM)
Florence Junca-Adenot (UQAM)
Fondation David Suzuki
Jean-François Barsoum (IBM)
Propulsion Québec
Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ)
Société de développement économique du Saint-Laurent (Sodes)
SWITCH, l’Alliance pour une économie verte au Québec
Trajectoire Québec
Vélo Québec
Vivre en Ville


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