La campagne Prospérité.Québec est fière de soutenir la tenue du FailCamp qui se tiendra vendredi le 17 avril prochain
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Il est de bon ton dans les retraites annuelles et dans les campagnes de mobilisation de rappeler combien l’innovation, la prise de risque et leur corollaire, l’échec, sont tolérés et même encouragés.
Il est plus rare de constater ces mécanismes à l’œuvre.
En effet, rares sont ceux qui véritablement aiment l’échec. En fait, ces discours sont bien entendu corrects, mais méconnaissent la nature même de la défaite.
Dépassements de coûts, de temps, qualité douteuse, perte d’un client, lapsus ou dérapages ; entre les ponts qui s’effondrent et les produits qui ne se vendent pas, nul n’est à l’abri. Pourtant, c’est le propre d’une société changeante que de produire son lot d’anomalies, de lubies, d’idées trop avant-gardistes, anachroniques ou carrément rétrogrades.
Agir d’en haut
Comme l’écrivait Rita McGrath en 2011, lorsqu’on les questionne sur leur tolérance à l’échec, la plupart des dirigeants se donnent “un deux ou un trois” sur une échelle de dix.
Quelques grandes entreprises ont pourtant réussi à saisir la balle au bond et à mettre en place des processus formels de célébration de l’échec. La société indienne Tata Group, par exemple, a implanté une série d’initiatives en innovation dont l’une — le programme Dare to Try — vise littéralement à récompenser les échecs.
Depuis 2007, Dare to Try a permis de mettre en lumière près de 3,000 initiatives infructueuses, et de stimuler ce faisant l’innovation auprès de plus de 75 compagnies au sein du groupe.
À la recherche d’un modèle
On entend souvent dire des entreprises en émergence qu’elles sont autant d’idées à la recherche de modèles d’affaires. De nos jours, plusieurs d’entre elles suivent la méthodologie un peu simpliste du lean startup : bâtir, mesurer, apprendre. Par cycles successifs, les entreprises en émergence procèdent par itération, jusqu’au succès, ou à la faillite.
Difficile de dire, au jour 1, lequel de ces deux destins guette les entrepreneurs, même les plus vertueux. C’est d’ailleurs pourquoi les initiatives qui prétendent présélectionner des entrepreneurs sur la base de caractéristiques psychologiques strictes font fausse route. Ces programmes entraînent, de surcroît, une représentation faussée de l’entrepreneuriat.
Or si l’entrepreneuriat est effectivement un processus de recherche, il est évident que beaucoup ne trouveront pas. Dans une approche systémique de l’entrepreneuriat, il est non seulement normal que plusieurs ne réussissent pas, cela est même souhaitable.
Pour paraphraser la maxime de FailCamp, l’échec est, et doit toujours demeurer, une option.
Le cash
Les investisseurs en capital de risque vous le diront : l’échec est nécessaire afin de tuer rapidement les idées qui ne parviennent pas à émerger, tout en tirant parti des ressources accumulées pour rendre les gagnants encore plus performants.
Sur dix investissements, au moins la moitié doit mourir à court terme. C’est à partir de là qu’on tirera les meilleurs éléments de propriété intellectuelle, les meilleurs ingénieurs et les meilleurs managers afin d’en faire profiter les investissements qui déjà, semblent plus prometteurs.
L’histoire de Sylvain Carle et de Sébastien Provencher et de la fin de leur entreprise, Needium, est riche en apprentissages à cet effet. Elle révèle aussi, à plusieurs égards, une chose fort intéressante : il aurait été peut-être plus utile d’accepter l’échec une première fois et de créer une nouvelle structure, que de tenter de préserver les actifs et les acquis dans leur transformation.
L’opprobre
Notre relation avec l’échec est donc une relation à la fois d’ordre social et économique mais aussi, et surtout, d’ordre moral. On condamne l’échec comme s’il nuisait à la vertu. On n’ose parler ni de faillites, ni de dépression car cela implique une anormalité dans le parcours strictement croissant qui berce nos projections du succès dans la normalité.
Plusieurs remèdes existent pourtant, en commençant par la communication et la mise en scène de l’échec. C’est l’objectif de FailCamp notamment, comme de nombreuses autres initiatives de promotion et de dédramatisation des périodes creuses de la vie.
Mais l’opprobre de l’échec est aussi un enjeu d’ordre réglementaire. Comme le rappelait en 2013 en France la ministre chargée des PME, madame Fleur Pellerin, “la durée constatée en France pour rebondir après une faillite est de neuf ans, alors que dans certains pays scandinaves, comme le Danemark ou la Norvège, ce délai est de seulement un an”.
Au Québec, cette durée s’étend à 7 ans pour une première faillite, et à 14 ans en cas de récidive.
Autant dire qu’il n’existe chez nous que peu d’incitatifs à essayer. À entreprendre. Ce sont pourtant là des prérequis pour réussir, et prospérer.