Lettre ouverte par Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ, publiée le 20 janvier 2025 dans Le Soleil.
L’année 2025 en sera une de grands bouleversements économiques et plusieurs défis se dressent devant elle. L’environnement d’affaires s’est dégradé et le marché de l’emploi peine à démontrer un réel dynamisme, malgré une pénurie de main-d’œuvre qui reste criante dans plusieurs secteurs. Les économies canadienne et québécoise progressent au ralenti, et les récentes déclarations du tout nouveau président des États-Unis inquiètent profondément le milieu des affaires. Que ce soit l’augmentation des tarifs douaniers visant les produits canadiens, l’évocation controversée et répétée d’annexer le Canada, ou encore les baisses d’impôt prévues pour les entreprises américaines, ces annonces renforcent l’incertitude pour les entreprises canadiennes.
Et le Québec, pour qui environ 75 % de ses exportations sont envoyées aux États-Unis, se retrouvera bien malgré lui dans l’œil du cyclone.
Il n’y a désormais plus vraiment de doute : le président Donald Trump passera de la parole aux actes avec des tarifs. Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) est d’avis que nous devrons utiliser l’une des armes en notre possession : la riposte fiscale pour stimuler notre économie et garantir la compétitivité de nos entreprises.
Dans les derniers jours, Ottawa a annoncé plancher sur une liste de produits qui pourraient servir de riposte aux tarifs douaniers de 25 %. Cela fait partie des règles du jeu, mais nous devons faire plus.
Le CPQ propose 7 mesures concrètes, dont une réduction substantielle du taux d’imposition des entreprises, un geste audacieux qui donnerait à notre économie un nouveau regain.
Pour ce faire, le CPQ propose de réduire l’impôt sur les bénéfices des sociétés de 15 à 12%, voire 10 % au fédéral et de 11,5 à 10 % au provincial. Cette baisse peut être limitée aux bénéfices réinvestis dans l’entreprise. Cette mesure réduira ainsi le fardeau fiscal des entreprises tout en stimulant les investissements, que ça soit dans des projets d’expansion ou de modernisation.
Cela s’avère d’autant plus nécessaire sachant que le président Trump veut abaisser le taux d’impôt fédéral de 21 à 15 %. Avec ces changements annoncés, le taux combiné moyen tournerait ainsi autour de 19,5 % pour les entreprises manufacturières. C’est beaucoup moins qu’au Québec qui afficherait un taux d’impôt des sociétés combiné fédéral-provincial à 26,5%. On ne serait plus à armes égales.
Le CPQ propose aussi de réduire la cotisation au Fonds des services de santé (FSS). Ramener de façon graduelle la cotisation au FSS au niveau de l’Ontario pourrait faire augmenter le salaire moyen. Des salaires plus élevés sont susceptibles d’augmenter le taux d’emploi, les heures travaillées et le PIB, toutes choses étant égales par ailleurs.
Le Québec et le Canada, malgré leurs nombreux atouts, se trouvent dans une position vulnérable. La compétitivité des entreprises québécoises et canadiennes pourrait être mise en péril si nous ne prenons pas les mesures nécessaires pour alléger leur fardeau fiscal. D’autres régions, comme les États-Unis, sont de plus en plus attractives pour les investissements grâce à des politiques fiscales plus favorables. Si nous voulons éviter que nos entreprises ne migrent vers des juridictions aux conditions fiscales plus avantageuses, il est impératif d’agir rapidement et de baisser le taux d’imposition des sociétés. Les conventions usuelles en matière de négociation ne s’appliquent plus : le président Trump entend faire comme bon lui semble et inventer les règles du jeu au gré de ses humeurs. Notre posture attentiste doit être changée pour celle de la force.