Le Publisac fait partie intégrante de l’économie circulaire, et ce, tant par le recyclage des circulaires que par le cycle de vie du sac en plastique.
Lettre ouverte de Norma Kozhaya, vice-présidente – Recherche et économiste en chef du CPQ, et Kathy Megyery, vice-présidente – Stratégie et affaires économiques à la Fédération des chambres de commerce du Québec, publiée le 22 novembre 2019 dans La Presse+.
En mars dernier, la Ville de Montréal a lancé une pétition en ligne demandant, notamment, de réviser la réglementation municipale afin que le Publisac soit déposé seulement devant les propriétés qui affichent un logo le demandant. Cette procédure inhabituelle est une première pour l’administration municipale actuelle.
Avec 15 000 signataires, la Ville fut dans l’obligation d’organiser une consultation publique. Elle a choisi de donner ce mandat à la Commission sur l’eau, l’environnement, le développement durable et les grands parcs. Ayant récemment témoigné devant cette commission, force est de constater que nous n’avons malheureusement pas senti l’impartialité de tous.
Lorsqu’une consultation publique est lancée à la suite d’une pétition citoyenne, chaque partie prenante devrait s’attendre à être écoutée en toute équité et objectivité au cours d’un exercice démocratique et factuel.
À cet égard, la grande majorité des observateurs économiques a été étonnée par les propos de certains conseillers membres de la commission, empreints d’idées préalablement conçues, faisant même parfois dévier la discussion des enjeux fondamentaux.
Tous s’entendent pour réduire l’empreinte carbone de Montréal, mais s’attaquer de la sorte aux circulaires et à leur principal outil de distribution, le Publisac, est plus qu’étonnant. La commission devrait s’appuyer sur l’ensemble des faits et bien mesurer tous les impacts d’une restriction de la distribution du Publisac, car toute politique ou législation ayant une visée environnementale doit aussi passer le test des aboutissants sociaux et économiques.
La mise en place d’une mesure opt-in en remplacement d’un opt-out (option de retrait) impliquerait d’importantes conséquences négatives. Celle-ci nuirait tout d’abord à l’ensemble de la presse locale. En effet, les journaux hebdomadaires comptent sur ce mécanisme de distribution. Leur modèle d’affaires est bâti pour que les journaux soient déposés devant un grand nombre de portes. Restreindre l’accessibilité aux résidences revient à condamner les éditeurs à un arrêt de leurs activités. D’autant plus que plusieurs d’entre eux traversent déjà de nombreux obstacles qui menacent leur viabilité.
L’impact social lié à une restriction de la distribution du Publisac est une autre conséquence de cet éventuel projet réglementaire. Un sondage fait par la Ville a même démontré que la majorité des familles à revenus modestes de Montréal utilisent cet outil pour bien budgéter leurs dépenses d’épicerie.
Que ce soit pour les familles à revenus modestes, les nouveaux arrivants ou encore les citoyens ayant des enjeux de littératie, le Publisac est un outil fortement utilisé et d’une grande importance.
De plus, il importe de bien comprendre les impacts économiques et écologiques de la production des circulaires. Celles-ci sont imprimées sur un papier provenant des résidus des scieries : les copeaux. Aucun arbre n’est coupé pour produire du papier journal.
Réduire de façon draconienne l’utilisation de ce papier aura un impact non seulement sur le nombre de travailleurs dans les scieries et les papetières québécoises, mais également sur la chaîne de production du bois. Ensuite, l’impression et la distribution du Publisac représentent 4500 emplois directs au Québec : 1000 chez TC Transcontinental et 3500 chez 150 distributeurs régionaux. Ceux-ci dépendent d’une distribution de masse.
Enfin, soulignons que le Publisac fait partie intégrante de l’économie circulaire, et ce, tant par le recyclage des circulaires que par le cycle de vie du sac en plastique. Le papier imprimé a une grande valeur pour les centres de tri, et les priver de cette matière viendra fragiliser encore plus la précarité de certains. Le Publisac est un outil qui a sa place dans la transition écologique dans laquelle la Ville de Montréal, comme beaucoup d’autres administrations dans le monde, veut jouer un rôle de premier plan.
Parti pris
Ainsi, les conseillers municipaux membres de la commission doivent adopter une approche analytique et factuelle qui tienne compte de tous ces enjeux. En raison de leur parti pris, plusieurs conseillers de la commission se trompent de cible dans la lutte qu’ils livrent pour la carboneutralité. Souhaitons que le rapport reflète davantage de pragmatisme dans ses conclusions.
Le modèle actuel est perfectible, mais il comporte plusieurs avantages et il faut travailler à l’améliorer. Le leadership environnemental passe également par la mise en place de processus novateurs, fruits de dialogues porteurs entre toutes les parties.