Lettre d’opinion du président-directeur général du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval.
La Presse+, p. web / Le Soleil (Québec), p. 20 – 22 juin 2016
Le référendum britannique scellera définitivement la décision sur le Brexit. Si la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne devient effectivement une réalité, nous assisterons à un éboulement brutal qui entraînera l’ensemble des marchés mondiaux.
Le Canada est bien présent au Royaume-Uni, avec plus d’un millier d’entreprises qui pourraient payer le prix de l’instabilité d’accords commerciaux à redéfinir et de l’incertitude des investissements.
« Le Canada et le Québec se sont fondés sur l’immigration et le commerce », a rappelé récemment la ministre fédérale du Commerce international, Chrystia Freeland. Or, devant la montée inquiétante de vagues protectionnistes et populistes dans plusieurs pays dans le monde, il nous semble fondamental que ce message soit martelé tous azimuts.
Le libre-échange pourrait être un des moyens pour contrecarrer cette tendance : il faut le voir comme une opportunité, et non pas comme une menace. Oui, cela se traduira nécessairement aussi par une hausse des importations de marchandises étrangères. Mais compte tenu de notre vieillissement démographique et, par conséquent, du risque de la baisse de la demande, notre marché intérieur ne suffira plus pour permettre à l’économie canadienne de croître de façon stable.
Nous ne pouvons faire autrement que d’ouvrir nos horizons vers des marchés accessibles et accueillants, car la prospérité, dans l’avenir, passera en grande partie par les exportations.
Ouvrir les frontières commerciales, abattre les frais de dédouanement, favoriser la circulation des biens et de la main-d’œuvre contribuent à la croissance économique des entreprises et des nations, qui s’accompagne en général d’une amélioration des conditions sociales. En fait, si d’un côté le libre-échange oblige les entreprises à rester compétitives, à améliorer leur productivité et à investir dans l’innovation technologique, de l’autre côté il bénéficie aussi aux consommateurs, car il permet de faire baisser les prix : les entreprises peuvent vendre leurs produits sur des marchés plus vastes et réaliser ainsi des économies d’échelle, ce qui se répercute au final sur les prix de vente.
Augmenter la richesse
Lorsqu’ils sont bien encadrés et jumelés avec des efforts de formation et d’information, les accords de libre-échange peuvent donc contribuer à ouvrir des débouchés pour plusieurs secteurs économiques, à diversifier les marchés, à favoriser la mobilité des travailleurs et, ultimement, à augmenter les richesses des États au bénéfice de leur population.
Prenons le cas du partenariat économique entre le Canada et l’Union européenne, qui fête cette année son 40e anniversaire. L’UE est le deuxième partenaire commercial du Canada, après les États-Unis, et le Canada est le quatrième investisseur dans l’UE. Lorsque l’Accord économique et commercial global (AECG) sera ratifié, d’ici l’année prochaine, environ 98 % des tarifs en vigueur dans l’UE pour presque tous les biens manufacturés tomberont presque immédiatement, et seul le Canada aura un tel accès privilégié au marché européen, qui représente à lui seul 500 millions de consommateurs. Cette entente donnera un avantage unique aux entreprises canadiennes, autant pour les investissements privés que dans les contrats publics, et évidemment l’effet se fera sentir au Québec aussi.
Les modifications apportées à l’AECG en février dernier ont permis d’ailleurs d’amener un plus grand équilibre entre les investisseurs et les gouvernements, notamment en encadrant mieux le droit des investisseurs à poursuivre les États, et ce, sans nuire au pouvoir décisionnel des gouvernements. L’entente permettra aussi d’établir une protection plus équitable autant pour les investisseurs que pour l’environnement et les droits des travailleurs, en garantissant ainsi une balance harmonieuse de l’ensemble des dimensions du développement durable.
Alors que nous croyons en l’importance de l’achat local et en ses bienfaits pour les entreprises, l’économie et les consommateurs québécois, qui bénéficient de produits de qualité ayant un impact carbone réduit, il demeure que cela ne représente pas la solution unique et ultime. L’entrée en vigueur des accords de libre-échange pourrait également être bénéfique pour le Canada et le Québec, pour nos entreprises, notre économie et nos citoyens.
Voici le message musclé que nous devons marteler face aux mouvements protectionnistes : c’est par l’éclosion des marchés, et non pas par leur ségrégation, que passe une prospérité durable au profit de tous.