Lettre d’opinion cosignée par le président-directeur général du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval.
La Presse+, p. web / La Voix de l’Est, p. 10 / Le Quotidien, p. 12 / La Tribune, p. 15 / Le Soleil, p. 19 – 13 octobre 2016
Le Nouvelliste, p. 14 – 17 octobre 2016
Malgré les avancées positives issues de la rencontre entre le premier ministre Justin Trudeau et le président Barack Obama, tout porte à croire que le Canada et les États-Unis s’engageront dans un nouveau conflit sur le bois d’oeuvre.
En l’absence d’accord, il apparaît inévitable qu’une taxe frappera sous peu l’entrée de nos produits forestiers aux États-Unis. L’industrie québécoise risque ainsi d’être pratiquement éjectée du marché américain.
Les impacts de ce nouveau conflit ne se limiteront pas aux régions. L’industrie forestière est le premier secteur manufacturier au Québec en termes d’emplois directs avec 60 000 emplois, dont 20 000 proviennent exclusivement du domaine du sciage. Cette industrie est présente dans 225 municipalités québécoises et génère 8 milliards de dollars d’exportation, dont 1 milliard est attribuable au bois d’oeuvre.
À la lumière de ces données, il est clair que c’est toute l’économie du Québec qui sera touchée par le conflit qui se dessine.
En termes de valeur, le conflit du bois d’œuvre entre le Canada et les États-Unis est la plus importante guerre commerciale au monde, et le Québec est directement touché, plus durement que l’Ouest canadien.
En 35 ans, ce sera la cinquième fois que le Canada et les États-Unis seront en conflit ouvert sur le bois d’œuvre. Chaque fois, les États-Unis ont prétendu que l’industrie québécoise était subventionnée et que la concurrence était de ce fait déloyale. Chaque fois, les tribunaux internationaux ont donné raison au Canada. À la suite du dernier litige, le Québec s’est doté d’un nouveau système de mise en marché du bois qui permet à la fois de mieux gérer la ressource et de rendre nos pratiques conformes aux exigences américaines. L’issue de ce nouveau conflit est déjà écrite. Il y a tout lieu de croire que l’on donnera à nouveau raison au Canada. Mais ce sera long.
Ce nouveau conflit fera mal. C’est certain. Malgré cette nouvelle plainte des Américains, nous croyons que les négociations doivent se poursuivre afin d’en venir rapidement à un accord qui tiendra compte de notre nouveau régime forestier et qui maintiendra une exclusion pour certaines scieries québécoises situées près de la frontière américaine qui s’approvisionnent presque exclusivement dans les forêts du Maine.
Se serrer les coudes
Au cours des dernières années, le secteur forestier québécois a effectué un virage remarquable. C’est une de nos industries qui contribuent le plus à notre balance commerciale. Elle est pleinement tournée vers le développement durable, 90 % de la forêt québécoise étant certifiée. C’est une industrie d’innovation ; du bioraffinage aux bioproduits, on ne cesse de trouver de nouveaux usages à la fibre de bois dans des créneaux parmi les plus porteurs. Dans quelques jours se tiendra le Forum Innovation Bois mis de l’avant par le gouvernement du Québec qui vise à reconnaître l’apport du secteur forestier dans le développement d’une économie verte. Car malgré les embûches, c’est un secteur dynamique.
Il y a de l’avenir dans notre forêt et le secteur forestier demeure l’une des grandes forces de l’économie québécoise.
Pendant ce temps, l’industrie poursuivra ses efforts d’amélioration, d’innovation. Elle continuera de diversifier ses marchés. Mais l’aide gouvernementale sera nécessaire. Il est impératif que le gouvernement fédéral mette sur pied un programme de prêts et de garanties de prêt, pour traverser le conflit, protéger les emplois, maintenir les opérations. C’est le temps de se serrer les coudes, car c’est tout le Québec qui est touché.
Signataires
André Tremblay, président-directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) ; Jean-Pierre Boivin, président de l’Alliance forêt boréale ; François Vaudreuil, président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) ; Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du Conseil du patronat du Québec (CPQ) ; Alain Lampron, président de la Fédération de l’industrie manufacturière CSN ; Stéphane Forget, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) ; Richard Lehoux, président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM) ; Éric Tétrault, président de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) ; Alexandre Cusson, premier vice-président de l’Union des municipalités du Québec ; Renaud Gagné, directeur québécois d’Unifor Québec-FTQ.