Lettre ouverte par Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ, publiée dans Le Journal de Montréal le 22 juillet 2022.
Tout le monde peut s’entendre sur une chose: il y a bel et bien une crise du logement au Québec. Qu’on se retrouve dans un tel déséquilibre entre l’offre de logements et la demande relève de plusieurs facteurs. L’immigration n’est pas à blâmer, c’est infiniment plus complexe que cela.
C’est tendancieux d’identifier l’immigration comme facteur aggravant le nombre insuffisant d’habitations au Québec. C’est voir un immigrant comme un inactif qui utilise notre système de santé, qui fréquente nos écoles et qui prend une place en garderie. Bref, qui n’apporte que des coûts pour notre société.
Présentement, la vaste majorité de ceux et celles qui franchissent les portes du Québec arrivent avec un permis de travail temporaire. Ces quelque 200 000 personnes sont déjà au travail et contribuent à produire les biens et les services dont nous avons besoin. Elles vivent déjà parmi nous et, donc, occupent un logement.
Ce sont des soudeurs, des travailleurs de la santé, des boulangers, des ingénieurs, des architectes. Pourquoi faut-il toujours les résumer à de simples (nouveaux) consommateurs de services? En rehaussant les seuils d’immigration permanente, nous permettrons à ces travailleurs temporaires de s’établir ici, pour de bon et avec leur famille, et de contribuer encore plus à notre société. Le Québec n’en sera que plus riche.
Qu’on prenne le problème dans l’autre sens ne nous aide en rien.
Il faut construire
Le réel cœur du problème, c’est les obstacles qui se dressent devant la création de logements. La difficulté à financer la construction de logements sociaux et abordables, la timide densification et une réglementation trop lourde sont quelques chantiers sur lesquels travailler dans les prochaines années. Il faut construire, construire, construire. Beaucoup plus rapidement qu’avant. Logements abordables, intergénérations, maisons unifamiliales, multiplex: il faut de tout. Le déficit en habitation correspondrait à 100 000 logements, selon l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).
On peut faire mieux, à condition d’avoir suffisamment d’employés pour réaliser nos projets de logements. Le manque de main-d’œuvre est justement l’un des trois obstacles identifiés par l’APCHQ pour développer l’offre. Selon les perspectives de la Commission de la construction du Québec (CCQ), l’industrie aura des besoins annuels d’environ 13 500 personnes d’ici 2026.
Et quel bassin de main-d’œuvre important serait susceptible de combler ce trou béant? Vous devinez vite: les immigrants… La pénurie de main-d’œuvre a de lourdes conséquences sur notre économie et cette situation continuera de se dégrader si le statu quo demeure.
Nous devons faire de la place pour tout le monde, autant pour les Québécois établis ici depuis toujours que pour les Québécois de demain.
- En réaction à la lettre d’opinion de Charles Gaudreault publiée le 18 juillet.