Lettre d’opinion du président-directeur général du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval.
La Presse+, p. web – 7 avril 2016
Alors que le gouvernement du Québec s’apprête à dévoiler sa stratégie énergétique, il est important de rappeler certains principes qui devraient guider les différentes mesures qu’elle contiendra, pour qu’elles soient propices à une prospérité durable au Québec et intègrent de façon équilibrée les considérations économiques, sociales et environnementales.
En premier lieu, cette nouvelle politique doit être porteuse d’une approche réaliste et pragmatique. Elle devra être orientée vers une meilleure planification de la demande québécoise et transfrontalière. L’accès à un portefeuille diversifié de différentes sources d’approvisionnement est à l’avantage du Québec : les besoins sont variés et les différentes formes d’énergie peuvent y répondre de différentes façons, tout en étant complémentaires plutôt que rivales. Le principe est essentiellement d’avoir la bonne énergie au bon endroit.
L’hydroélectricité en particulier a toujours été l’un des principaux avantages comparatifs du Québec ainsi qu’un puissant outil de développement économique dont la compétitivité passe obligatoirement par un approvisionnement propre, fiable et à un coût concurrentiel pour nos industries, par rapport aux autres régions du monde, de même que pour les régions frontalières.
De plus, le Québec est doté d’un fort potentiel de gisements, notamment éoliens ou en biomasse, et d’une masse critique d’entrepreneurs innovants et d’entreprises technologiques à fort potentiel, qui gravitent autour des autres sources d’énergies renouvelables et des technologies propres. Ces avenues font partie d’un véritable écosystème économique qui a le potentiel de générer des retombées locales et régionales importantes, qui dynamisent nos régions, en plus de faire partie des solutions vers une économie plus sobre en carbone.
Cependant, le potentiel québécois en matière de ressources naturelles reste largement sous-exploité (le secteur des ressources naturelles non-transformées représentait 6 % du PIB réel en 2013). Chaque année, nous importons ainsi 14 G$ en hydrocarbures et environ 1,4 G$ de gaz. Or, répondre à nos besoins d’hydrocarbures en les produisant ici permettrait de déplacer vers le Québec une partie de l’activité économique, des recettes fiscales et des emplois que nous soutenons ailleurs dans le monde et au Canada par nos importations. Exploiter de façon responsable nos hydrocarbures n’est pas incompatible avec nos ambitions en matière environnementale. Dans cette perspective, il est également d’une importance capitale de maintenir et de développer les activités créatrices de valeur existante au Québec autour du raffinage et de la transformation des hydrocarbures. Au contraire, en contrôlant une partie de la production et de sa transformation pour notre consommation, nous avons la possibilité d’établir des standards parmi les plus élevés – des standards qui nous ressembleront.
De plus, la stratégie énergétique doit être un vecteur de prospérité et permettre aux entrepreneurs de penser l’énergie de demain par la stimulation de l’innovation et, pour ce faire, le gouvernement du Québec doit parvenir à se porter garant de la stabilité et de la prévisibilité d’un environnement d’affaires qui est intrinsèquement risqué pour les entreprises et les investisseurs, fortement exposés à la compétition technologique et à la concurrence mondiale.
À cet effet, le gouvernement a tout intérêt à optimiser des leviers comme le Fonds vert, la Régie de l’énergie, la gestion des marchés publics ou encore le bureau de coordination des grands projets et le bureau d’analyse d’impacts économiques (prévus dans le Livre vert du MERN), mais il doit s’assurer d’une meilleure coordination, d’une plus grande cohérence et de regrouper les expertises et compétences à disposition pour accompagner les entreprises en mutation et encourager les entreprises innovantes.
S’il veut atteindre l’objectif de réduction de 20 % d’émissions de GES sous les niveaux de 1990 pour l’an 2020, Québec devra commencer par traiter les entreprises de tous les secteurs en véritables partenaires, car elles ont été les principaux contributeurs à la réduction de 8 % des GES qui a été réalisée à ce jour.
La stratégie énergétique devra traduire une vision d’ensemble claire, prévisible et ordonnée dans un plan de mise en œuvre bien articulé et à long terme, qui puisse faire atterrir sur le terrain les intentions politiques en réalisme social, économique et technologique. Grâce à une offre de programmes pertinente, adaptée aux besoins et administrée avec compétence et cohérence, les entreprises, les organismes, les municipalités, les institutions et les particuliers pourront véritablement bénéficier de notre portefeuille énergétique pluriel. C’est ainsi que notre immense potentiel énergétique pourra contribuer à la prospérité du Québec de façon optimale.