Lettre ouverte cosignée par Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ, publiée le 28 octobre 2024 dans La Presse.
Le 4 octobre dernier, il y a eu une nouvelle annonce du gouvernement fédéral en vue de limiter davantage l’immigration temporaire, qui aura des impacts importants qui iront au-delà de la mesure annoncée. Malgré l’importance des enjeux, les réactions publiques tardent à venir.
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) va restreindre de façon importante la possibilité d’obtenir un permis de travail postdiplôme (PTPD) pour les élèves étrangers qui vont suivre un programme de formation professionnelle au Québec. Parmi près de 240 programmes préparant à l’exercice d’un métier spécialisé, seuls 75 programmes permettront désormais d’obtenir un permis de travail une fois la formation terminée. Cette décision aura indéniablement un impact sur le marché du travail québécois, qui ne pourra pas retenir ces personnes candidates à l’immigration, qui parlent français et qui sont adéquatement formées au Québec, dans des secteurs où la main-d’œuvre spécialisée demeure fortement demandée.
Une menace pour la main-d’œuvre qualifiée au Québec
Bien que chaque province connaisse des spécificités en matière de développement économique et de besoins de main-d’œuvre, les secteurs où les restrictions sont appliquées sont les mêmes d’un océan à l’autre. Les secteurs manufacturier, industriel et minier figurent entre autres parmi les secteurs affectés par l’annonce du ministre Marc Miller. De plus, à cause de leur courte durée (moins de 900 heures), des programmes appartenant aux secteurs prioritaires identifiés par le gouvernement fédéral lui-même ne sont pas admissibles au PTPD. Par exemple, une élève étrangère qui suit un programme de 870 heures menant au métier de préposée aux bénéficiaires ne peut avoir accès au PTPD, alors que le système de santé connaît une grave pénurie.
Quel impact pour la formation professionnelle et les élèves québécois?
Le Québec compte environ 200 centres de formation professionnelle (CFP) offrant des programmes de formation alignés sur les besoins du marché du travail à 120 000 élèves annuellement. L’intégration d’élèves étrangers en vue de compléter les différentes cohortes permet le maintien de l’offre de formation et à plus forte raison, en région. Sans la présence des élèves venus de l’étranger, les CFP entrevoient déjà la fermeture de futures cohortes, faute d’élèves en nombre suffisant, ce qui aura des répercussions également sur l’accès des Québécoises et des Québécois à un programme de formation professionnelle. Rappelons que les élèves internationaux en formation professionnelle ne représentent que 7 % environ de tous les étudiants étrangers que compte la province annuellement. Pourquoi cibler disproportionnellement le secteur de la formation professionnelle alors que nombre d’industries et secteurs reposent largement sur la capacité des CFP à former ces futurs travailleuses et travailleurs spécialisés?
En limitant l’accès au PTPD pour de nombreux programmes de formation professionnelle, nous nous privons d’une main-d’œuvre qualifiée indispensable dans des secteurs clés. Dans la volonté du Québec d’accroître sa productivité, des décisions qui viennent mettre à mal l’arrivée de travailleurs spécialisés sur le marché du travail ont peu de sens. Il est crucial que les décideurs à Ottawa reconsidèrent ces mesures afin de soutenir les besoins économiques et de main-d’œuvre de la province, tout en assurant la pérennité des centres de formation professionnelle et le développement des régions.
Signataires
- Lysiane van der Knaap, directrice générale, Éducation internationale
- Karl Blackburn, président et chef de la direction, Conseil du patronat du Québec