Introduction
La Campagne PROSPERITE.QUEBEC du Conseil du patronat du Québec (CPQ) a pour but de libérer le potentiel économique et social du Québec de façon responsable et durable, au profit de l’ensemble de la société. Ses actions visent à reconnaître et mettre de l’avant la contribution des entreprises et des entrepreneurs à la société, l’éducation économique et le dialogue entre le milieu des affaires et la population. Pour ce faire, la Campagne crée des tribunes où la prospérité est discutée et mise en valeur; elle présente ses bienfaits collectifs et elle cherche à influencer les différentes instances gouvernementales à prendre des décisions de façon à favoriser la prospérité du Québec.
La présente étude est la troisième de la Campagne PROSPERITE.QUEBEC et elle porte sur la contribution de l’immigration économique à la prospérité du Québec. À l’instar des autres gouvernements dans le monde, le Québec offre des programmes d’immigration économique en vue d’accueillir des personnes pouvant contribuer positivement à son économie, axés notamment sur trois grands enjeux :
- la main-d’œuvre (disponibilité, qualification, spécialisation, etc.), pour qui les programmes Travailleurs qualifiés, de l’Expérience québécoise et Travailleurs temporaires sont offerts;
- l’entrepreneuriat (démarrage, croissance, diversification), soutenu par le programme Entrepreneurs et Travailleurs autonomes;
- l’investissement (financement d’initiatives et de projets publics et privés), auquel répond le programme Investisseurs.
L’étude comprend quatre parties. Premièrement, les aspects fondamentaux de la contribution de l’immigration économique à la prospérité sont présentés, au moyen d’une analyse de ses mécanismes d’impact, ainsi qu’une revue de littérature sur les diverses facettes de cette contribution.
Deuxièmement, un bref portrait de l’immigration économique au Québec est réalisé pour chacune des trois grandes catégories d’immigrants : travailleurs qualifiés, entrepreneurs et investisseurs.
Troisièmement, les programmes du Québec sont analysés sous différentes perspectives : leurs caractéristiques, leur positionnement et leurs résultats par rapport aux autres programmes. À ce sujet, un sondage de conseillers internationaux spécialisés en immigration a été réalisé pour recueillir leurs perceptions du côté de la demande en immigration, non seulement en ce qui concerne les programmes, mais aussi le Québec à titre de destination d’immigration.
Quatrièmement, les enjeux économiques de l’immigration sont abordés, en se basant sur une consultation d’organismes québécois impliqués en immigration et un sondage auprès des membres du CPQ.
Finalement, l’étude conclut en résumant les principaux constats et en présentant une série de recommandations en matière de politique d’immigration économique en vue d’en accroître son impact sur la prospérité du Québec.
Conclusion et recommandations
La littérature économique récente nous enseigne trois leçons principales à propos de la contribution des différentes catégories d’immigrants économiques à l’économie 1) l’immigration d’individus ayant le profil recherché peut entraîner des conséquences positives pour l’économie (notamment en matière d’innovation, d’entrepreneuriat, d’exportations et de financement de programmes); 2) ces résultats dépendent fondamentalement des caractéristiques socio-économiques des immigrants, du contexte spécifique du pays d’accueil, ainsi que de la qualité et de la rapidité de leur intégration; 3) un mauvais appariement des besoins économiques avec les types d’immigrants reçus peut être carrément néfaste, aussi bien pour ces immigrants que pour le pays qui les reçoit.
Depuis 2004, le Québec accueille tous les ans, en moyenne, environ 28 600 travailleurs qualifiés, 2 100 investisseurs et 350 entrepreneurs au moyen de ses divers programmes. En moyenne, ces immigrants économiques ont une connaissance du français et des années de scolarité plus élevées que les autres catégories d’immigrants. Même si l’immigration économique ne peut pas régler d’un coup nos maux économiques, il demeure que ces nouveaux arrivants contribuent au développement économique et à la prospérité par leur travail, leur création d’entreprises et leurs contributions financières.
Le sondage auprès des membres du CPQ révèle que, de façon générale, les entreprises québécoises sont conscientes de l’importance de l’immigration au développement économique du Québec et de l’apport des immigrants économiques à leur société.
Les entreprises membres du CPQ soutiennent majoritairement l’augmentation des quotas pour les travailleurs qualifiés et pour les investisseurs. L’apport global de leurs travailleurs immigrants est perçu comme étant égal ou supérieur à leurs attentes, et l’intégration des nouveaux arrivants ne pose pas de problème en général.
Toutefois, le Québec pourrait faire beaucoup mieux, et ce, à plusieurs égards. Les différents programmes d’immigration économiques auraient tout avantage à être améliorés.
En effet, les conseillers spécialistes en immigration consultés relèvent de nombreuses lacunes concernant les programmes existants. Tous soulignent l’importance de réduire de façon significative les délais de traitement de tous les programmes. De plus, ils identifient plusieurs autres éléments à améliorer, surtout du côté des entrepreneurs et des investisseurs, dont la lourdeur des formalités administratives et de la paperasse, le support aux demandes par Internet, ainsi que la constance et la transparence des décisions. Entre autres, les moratoires et l’incertitude ont miné l’intérêt international pour nos programmes. Heureusement, le Québec comporte des attraits distinctifs reconnus partout dans le monde, qui jouent en sa faveur et lui permettraient d’attirer des immigrants économiques de grande qualité, pourvu que ces améliorations substantielles et durables à ses programmes puissent se concrétiser.
Ces mêmes propositions ont été soumises par plusieurs organismes travaillant en immigration au Québec. Tous ont reconnu l’importance des enjeux économiques que sont la main-d’œuvre, l’investissement et le développement d’entreprises, ainsi que le potentiel de l’immigration économique en vue d’y contribuer.
Du côté des travailleurs qualifiés, le programme est apprécié, mais il pourrait s’ajuster plus rapidement aux besoins du marché du travail. Les diplômes étrangers devraient être mieux reconnus et des difficultés subsistent au regard de la transparence et de la justification des décisions.
Quant aux entrepreneurs, le quota d’admissions est jugé trop faible et l’intégration des entrepreneurs aux réseaux d’affaires du Québec pourrait être améliorée. Si les opinions relatives à l’historique du programme Investisseurs sont généralement positives, les moratoires, les délais de traitement et les changements récents ont nui grandement à sa compétitivité, notamment en regard de l’intensification de la concurrence internationale pour des programmes similaires. Plusieurs pistes de solution ont été proposées pour aider à dynamiser sa contribution économique, notamment concernant son efficacité, son design et sa gestion.
Compte tenu de ce qui précède, voici les recommandations générales du CPQ en vue de rehausser l’apport déjà appréciable de l’immigration économique à la prospérité du Québec :
- Effectuer un meilleur appariement entre : 1) les objectifs de développement économique du Québec et les programmes offerts; 2) les programmes offerts et la demande d’immigration. Cela doit non seulement se réaliser davantage, mais aussi de façon plus flexible afin que les programmes puissent être adaptés à d’éventuels changements économiques.
Pour le point 1), les ministères et les organismes responsables du développement économique (ministère de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations et Investissement Québec) devraient travailler davantage de concert avec le MIDI, qui est responsable des programmes d’immigration, pour une conjugaison optimisée des besoins avec les critères recherchés(1). Cela permettrait notamment de bonifier le design du programme Investisseurs, qui offre déjà des retombées intéressantes, mais qui pourrait en faire beaucoup plus en matière d’impact pour le gouvernement et d’investissement direct dans l’économie. Entre autres, le rehaussement de la rétention des investisseurs au Québec permettrait de dynamiser ces impacts, en plus d’optimiser la contribution humaine de ces familles à notre société.
Les recommandations qui suivent concernent le point 2) :
- Renforcer le dialogue actif et systématique entre tous les acteurs du domaine de l’immigration. Travailler à optimiser la conciliation entre l’offre de programmes et la demande d’immigration. Ici, le CPQ s’inspire de son propre succès à titre de membre de la Commission des partenaires du marché du travail. Diverses options de déploiement peuvent être envisagées, seules ou en combinaison : conférence annuelle, réunions mensuelles, plateforme Internet d’échanges et de nouvelles, etc. Cela permettrait de résoudre les problèmes identifiés aux deux recommandations suivantes.
- S’attaquer de front et énergiquement au problème récurrent des délais de traitement des demandes. Tous les acteurs rencontrés ont insisté sur les délais de traitement du Québec et du Canada, plus élevés que ceux des autres programmes en vigueur dans le monde. Plusieurs ont souligné également l’importance d’améliorer l’ensemble des processus de traitement des candidatures.
- S’inspirer des meilleures pratiques dans le monde pour éliminer les irritants des programmes existants et optimiser l’apport de l’immigration. Les sections précédentes ont identifié plusieurs difficultés spécifiques liées aux programmes actuels : manque de transparence dans les décisions, sélection de type « premier arrivé, premier servi » plutôt qu’au mérite; paperasse parfois excessive et sans utilité; critères mal adaptés; etc. Un dialogue plus actif entre les parties prenantes permettrait d’aplanir ces difficultés, au profit de l’ensemble des acteurs du milieu et, surtout, des candidats à l’immigration.
- Mesurer de façon objective et sur plusieurs années la contribution économique de ces immigrants. Cette contribution s’évalue par les indicateurs suivants : le taux d’emploi, les salaires gagnés, les investissements réalisés (personnels et affaires) et les impôts et les taxes payés (incluant les taxes de vente sur la consommation). Cela permettrait de valider dans quelle mesure les attentes de contribution économique ont été réalisées.
- Créer des outils d’accompagnement pour les entreprises et promouvoir les programmes déjà en place. L’étude montre que la grande majorité des entreprises n’a pas participé aux différents programmes d’intégration des immigrants en entreprise, surtout par manque d’information sur l’existence ou le fonctionnement des programmes. Il est donc important de réviser ces programmes, d’en garder et de promouvoir ceux qui sont efficaces. En revanche, les entreprises réclament un service d’accompagnement pour évaluer les compétences et un site Internet de services-conseils thématiques dédiés aux employeurs.
Voici également les principales recommandations spécifiques pour chacun des programmes, outre de réduire les délais de traitement qui revient pour les trois types de programmes :
Travailleurs qualifiés
- améliorer les processus de reconnaissance des compétences et des diplômes acquis à l’étranger;
- poursuivre l’effort particulier du gouvernement du Québec au regard de l’intégration des personnes immigrantes aux ordres professionnels;
- améliorer l’arrimage entre les compétences des nouveaux arrivants et les besoins du marché du travail;
- renforcer la mise en place de stages, qui constituent un premier contact entre un employeur et un chercheur d’emploi, comme un autre moyen à privilégier pour favoriser une meilleure intégration des personnes immigrantes;
- bien informer les personnes immigrantes des valeurs de la société d’accueil québécoise, entre autres, l’égalité des sexes et la laïcité des institutions publiques, et y adhérer pour une intégration harmonieuse.
Entrepreneurs
- renforcer la collaboration entre le MIDI et les ministères et les organismes à vocation économique pour établir des objectifs économiques communs et y arrimer les programmes;
- impliquer des tiers pour accompagner ces immigrants et les aider à élaborer des projets d’affaires viables au Québec, à l’instar du rôle que jouent présentement les intermédiaires financiers pour les investisseurs;
- raccourcir les délais entre la soumission du projet d’affaires et sa concrétisation.
Investisseurs
- mettre en place des mesures visant la rétention des immigrants-investisseurs au Québec qui ne dépasse pas actuellement le seuil de 30 %;
- accroître la transparence et l’objectivité des décisions;
- organiser périodiquement des rencontres de travail entre les ministères, les organismes responsables de l’immigration économique et les autres parties prenantes pour repenser le design du programme en fonction de la nouvelle réalité internationale, des objectifs économiques (vision, plan stratégique, vigie, critères et sommes requises, efficacité du processus, rétention, impacts économiques) et des contraintes financières du Québec, de manière à accroître les impacts économiques et sociaux des programmes en place.
Le CPQ a bon espoir qu’en travaillant en ce sens, l’immigration économique sera encore plus performante. D’emblée, des efforts devraient être déployés sur la façon d’optimiser son potentiel de contribution à la prospérité du Québec.
Note
- À ce titre, le meilleur contre-exemple (fédéral) lié à une mauvaise conciliation entre l’offre de programmes et la demande d’immigration est le programme canadien de Capital de risque, que l’ensemble de la communauté internationale a choisi de déserter.
Quelques documents en annexe :
1- Résumé de l’étude (format PDF)
2- Questionnaire du sondage auprès des membres
3- Rapport du sondage auprès des membres
4- Questionnaire des consultants d’immigration
5- Guide de discussion auprès des organismes
6- English version