Le don éthique

Nul ne peut être prospère seul.

Nul n’aspire qu’à gagner plus pour le seul plaisir de gagner plus.

Au bout du compte, après avoir gagné, on finit toujours par donner, ce qui fait surgir la question : quand un don est-il un don et non pas une entente commerciale?

De tous les temps, des questions ont émergé quant aux liens entre art et culture, entre pouvoir et culture. Au fil des ans, les mots utilisés ont été différents mais tous suscitaient la même interrogation : la proximité de l’argent et de la culture
est-elle saine?

Les Médicis sont pourtant un exemple probant que les arts, la politique et le négoce sont liés. Intimement liés. Vouloir dire ou croire le contraire serait un leurre.

Même si cette corrélation est historique, quelles sont en 2015 les valeurs qui devraient sous-tendre les liens entre l’art et la culture et leur financement par des fonds privés?

Lorsque l’on parle du financement des arts par le privé, parle-t-on de charité? De don? De philanthropie? De commandite? Force est d’admettre que ces formes auxquelles on réfère le plus souvent peuvent être difficiles à différencier. Quelles seraient alors les modalités d’un don éthique? Tentons ici quelques explications.

Le mot charité vient du latin caritas, qui signifie l’amour de Dieu et du prochain. Il porte intrinsèquement l’idée de générosité envers les pauvres.

Quant au don, il doit exprimer une gratitude, c’est-à-dire abandonner gratuitement quelque chose à quelqu’un dans la perspective heureuse d’un bienfait. Pour donner, il faut posséder. On dit que le don est le fondement d’une relation sociale.

La philanthropie est aussi un moyen connu de financement de la culture. Son sens doit être compris comme étant la juxtaposition des termes philo (amour/_ami) et _anthropos (les hommes). Le philanthrope est celui qui aime les hommes (l’humanité) et qui se montre bienveillant à leur égard. Autour du 19e siècle, la philanthropie a pris le relai de la charité.

La philanthropie réelle est désintéressée.

Une autre forme plus récente de financement des arts par le privé est celle de la commandite. La
commandite est une transaction. Elle procède d’un déséquilibre entre les parties. Par exemple, lorsqu’une multinationale offre 10 000 $, il s’agit d’une somme dérisoire pour elle, mais pour un artiste sans le sou ou un évènement sous-financé, cette somme représente la différence entre vivre ou périr. La commandite est une relation asymétrique, une relation sans contrepoids.

La commandite est donc un terme de commerce; le commanditaire « finance » la culture et attend un retour de son investissement.

Bien sûr, les lignes ne sont ni figées, ni déterminées, et des liens existent entre chacun des termes énoncés plus haut. Il faut néanmoins éviter à tout prix de confondre, charité et apparence de charité, don et apparence de don, puis philanthropie et apparence de philanthropie.

Si ces derniers ne sont qu’apparences, nous sommes face à une commandite qui n’ose pas dire son nom, c’est-à-dire qui sous-entend une redevance cachée. Cette cachotterie est une forme de manipulation qui empêche le bénéficiaire d’arrêter son choix, comme s’il avait su. Cela ne saurait donc être qualifiée d’éthique. La manipulation, quelle qu’en soit sa forme, est inconciliable avec l’éthique.

La philanthropie réelle, sincère et appliquée, constitue la forme moderne du don éthique****.

Un don éthique est celui où le donateur et le bénéficiaire adhèrent à la même finalité, celle de l’accroissement du bien social. Celle de l’enrichissement culturel au bénéfice du plus grand nombre.

C’est aussi ça, la prospérité.

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