Économie numérique: l’équité n’est pas à vendre!

Lettre ouverte du président-directeur général du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval.


Le Droit, p. web – 3 octobre 2017



Le Devoir, p. A7 / Le Huffington Post Québec, p. web – 4 octobre 2017



Le Quotidien, p. 12 / Le Soleil, p. 19 – 6 octobre 2017

Sous prétexte du principe d’équité, le gouvernement fédéral a enclenché une réforme du système fiscal canadien qui est mur à mur et qui frappera de plein fouet de très nombreux entrepreneurs au Canada, particulièrement dans les PME. Tout comme pour le cannabis, le gouvernement improvise et se précipite avec un projet bâclé qu’il mène tambour battant, avec un sentiment d’urgence qui ne mesure pas bien les dommages collatéraux pouvant en découler pour de nombreux acteurs canadiens.

Par contre, quand il s’agit de rétablir l’équité entre des acteurs économiques canadiens et des géants étrangers, dans les dossiers du commerce électronique et des contenus numériques, le gouvernement du Canada fait malheureusement preuve d’un laxisme et d’une apathie des plus choquantes. Jusqu’ici, le CPQ a toujours maintenu un discours constructif, voire positif, au sujet des interventions du gouvernement fédéral en soulignant les bons coups, lorsqu’il y avait lieu, comme dans le cas de l’aérospatial, du commerce international, de l’innovation et de certaines infrastructures majeures.

Malheureusement, force est d’admettre qu’en matière de fiscalité, le gouvernement fédéral pratique un concept d’équité à géométrie variable et selon des objectifs opaques. En ne mettant pas en place de solutions aux iniquités fiscales ou réglementaires entre les géants qui utilisent des plateformes numériques de l’étranger, soit pour vendre des produits au Canada ou pour y diffuser des contenus numériques sans avoir à payer les taxes ou les impôts auxquels leurs concurrents canadiens sont obligés de se conformer, le gouvernement manque à ses responsabilités d’assurer un environnement d’affaires équitable. Cela est d’autant plus déplorable que son inaction sur ces deux questions occasionne des dommages importants aux acteurs économiques qui ont des opérations basées au Canada, dont de nombreuses PME.

Les Google, Facebook, Netflix, Spotify, ou encore les Amazon, Uber ou Airbnb sont toutes entrées très rapidement et très largement dans nos habitudes de vie, imposant une vitesse d’adaptation hors du commun à plusieurs industries, qui vont du commerce de détail à la culture, en passant par les médias, le divertissement, l’hôtellerie, le tourisme, etc.

Virage inéluctable

Disons-le d’emblée, le virage numérique que connaissent de nombreux domaines est un incontournable à l’heure où de plus en plus de choses s’achètent, se commandent ou se créent du bout des doigts. Ce virage est autant indispensable qu’il est inéluctable. Avec ce mouvement de fond vient la prolifération d’applications et de plateformes de divers acabits, de même que l’émergence de nouveaux modèles d’affaires. Ce qui est problématique toutefois, c’est quand la technologie et l’ingéniosité entrepreneuriale, à bon ou à mauvais escient, permettent de contourner les règles du jeu, en contrevenant à nos lois, au détriment des entreprises qui les respectent, payent leurs redevances, leurs impôts et sont obligées de facturer une taxe de vente au consommateur.

On ne peut se permettre de commencer à exempter certains joueurs ou des compagnies étrangères de leurs obligations, Netflix par exemple, et créer des situations de favoritisme ou des systèmes à deux vitesses au Canada, sous prétexte que nos lois sont dépassées. À cet égard, le gouvernement fédéral se doit d’offrir des réponses rapides, même imparfaites, pour rendre les obligations fiscales et réglementaires mieux adaptées pour tous les joueurs.

Oui, il faut faciliter la créativité et accélérer le développement et la diffusion de l’innovation et son virage numérique, mais les règles du jeu doivent être équitables pour tous et être respectées par tous. L’argument concernant la complexité de la problématique n’est pas acceptable. La légalisation de la vente et de la distribution du cannabis est aussi une question complexe ; pourtant, le gouvernement fédéral a décidé d’aller de l’avant à fond de train.

Qu’il s’agisse de l’improvisation dans le dossier Netflix, de l’apathie sur la question du commerce en ligne ou du projet de réforme fiscale sur les sociétés privées, le message que le gouvernement fédéral envoie à nos entreprises, les grandes tout comme les PME, est hautement préoccupant.

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