Contrats publics d’architecture et d’ingénierie – Le gouvernement Legault doit tirer des leçons du passé

Nous souhaitons mettre en lumière l’importance de baser la sélection des professionnels sur la qualité et non sur le plus bas prix. Les bénéfices sont nombreux.

Lettre ouverte cosignée par Yves-Thomas Dorval, président et chef de la direction du CPQ, publiée dans les quotidiens Le Soleil et La Tribune le 14 août 2019.

Le gouvernement Legault a récemment annoncé deux gigantesques projets de construction et de rénovation : un appel d’offres de 1 milliard de dollars pour construire 30 maisons des aînés en mode accéléré et un budget de 1,7 milliard de dollars pour des projets de modernisation des écoles du Québec.

Peut-on imaginer que la conception de ce genre de projets, destinés à assurer la sécurité et le bien-être de nos aînés et de nos enfants, soit basée sur une approche du plus bas prix semblable à celle qui a guidé la construction du pont Champlain en 1957? Bien qu’aujourd’hui ce ne soit pas le cas, il semble que le gouvernement ait toujours cette idée en tête, même en 2019.

Il y a un an, le 27 juin 2018, l’ancien gouvernement avait proposé une révision du mode d’octroi des contrats publics de services d’architecture et d’ingénierie pour les deux plus grands donneurs d’ouvrage du Québec : le ministère des Transports et la Société québécoise des infrastructures.

La proposition avait soulevé de vives inquiétudes, car toutes les nouvelles formules proposées conduisaient, invariablement, à favoriser le plus bas soumissionnaire.

Constatant le problème, l’ancien ministre responsable, Robert Poëti, avait lui-même retiré le projet de règlement, en août 2018, et mis en place un groupe de travail réunissant des hauts fonctionnaires du Conseil du trésor, des donneurs d’ouvrage publics ainsi que les représentants de l’industrie afin de revoir les modes d’octroi.

Les travaux se sont poursuivis après les élections générales d’octobre 2018, mais aucune rencontre n’a été tenue depuis le 6 décembre dernier.

Des délais inquiétants

Depuis, le contenu d’une étude d’experts indépendants a confirmé que le mode qualité-prix suggéré par le gouvernement favorisait le plus bas soumissionnaire de manière presque systématique. Cette étude n’a malheureusement pas réussi à réanimer le comité de travail ni à faire réagir les mandarins du gouvernement, ce qui devrait inquiéter l’actuel ministre responsable, Christian Dubé.

Le seul geste récent du Conseil du trésor sur cette question a été la sélection d’une firme comptable pour juger de la « perception » de certains acteurs de l’industrie sur les modes d’octroi proposés. Il n’est nullement question de sécurité, de qualité ou de pérennité des infrastructures, qui sont étroitement liées à la conception.

L’exemple le plus éloquent est celui de l’ancien pont Champlain, qu’il faudra bientôt déconstruire après une courte vie et combien de travaux de réparation, sachant que les mauvaises décisions qui ont mené à sa construction étaient directement guidées par la recherche du plus bas prix. On sait maintenant que sur les 29 variantes étudiées à l’époque, celle retenue était tout simplement la moins chère. Avec le désolant résultat que l’on connaît aujourd’hui.

Nous souhaitons mettre en lumière l’importance de baser la sélection des professionnels sur la qualité et non sur le plus bas prix. Les bénéfices sont nombreux : meilleure planification et prise en compte des concepts de développement durable, incitation à l’innovation, respect plus rigoureux des échéanciers et des budgets, et réduction des litiges. Les mandats d’architecture et d’ingénierie confiés au plus bas soumissionnaire sont incompatibles avec l’optimisation de la conception et de la durée de vie des ouvrages.

Maintenant que s’amorcent d’importants chantiers, il importe de tirer des leçons du passé et de faire preuve de vision. Est-il possible, une fois pour toutes, de mettre de côté les formules qui favorisent le plus bas soumissionnaire afin d’assurer la qualité de nos infrastructures pour les générations actuelles et futures?

Signataires

David Prud’homme

Président-directeur général
AluQuébec

Clément Demers

Architecte, urbaniste et gestionnaire de projet

Denis Riopel

Architecte

Francis Lacharité

Président
ASHRAE Montréal

Jean Simard

Président et chef de la direction
Association de l’aluminium du Canada

Anne Carrier

Présidente
Association des Architectes en pratique privée du Québec

Bernard Bigras

Directeur général
Association des architectes paysagistes du Québec

Stephan Doré

Président
Association des estimateurs et des économistes de la construction du Québec

John Gamble

Président et chef de la direction
Association des firmes de génie-conseil – Canada

André Rainville

Président-directeur général
Association des firmes de génie-conseil – Québec

Patrick Gariepy

Président
Association des travaux publics d’Amérique – Chapitre du Québec

Phyllis Lambert, CC, GOQ, CAL, FIRAC

Directeur fondateur émérite
Centre Canadien d’Architecture

Gérald Beaulieu

Directeur
Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois

Jack Benzaquen

Président
Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines

Roger Légaré

Président et chef de la direction
Conseil des infrastructures

Yves-Thomas Dorval

Président-directeur général
Conseil du patronat du Québec

Éric Côté

Président-directeur général
Corporation des entrepreneurs généraux du Québec

Denis Leclerc

Président et chef de la direction
Écotech Québec

Stéphane Forget

Président-directeur général
Fédération des chambres de commerce du Québec

Mike Brennan

Chef de la direction
Institut royal d’architecture du Canada

Hellen Christodoulou

Directrice Régionale-Québec
Institut canadien de la construction en acier

Martin Houle

Directeur-fondateur
Kollectif

Gérard Mounier

Conseiller stratégique, responsable du groupe Infrastructure
Lavery Avocats

Henri-Jean Bonnis

Président du conseil d’administration
PMI-MONTRÉAL INC.

Michèle Thibodeau-DeGuire

Principale et présidente du Conseil d’administration
Polytechnique Montréal

Christiane Pelchat

Présidente-directrice général
Réseau Environnement

Jean-Pierre Chupin, Ph.D

Chaire de recherche du Canada en architecture, concours et médiations de l’excellence
École d’architecture, Université de Montréal

Raphaël Fischler

Doyen de la faculté de l’aménagement
Université de Montréal

Jacques White

Directeur et professeur titulaire
École d’architecture, Université Laval

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