Introduction et mise en contexte
La disponibilité et la qualité de la main-d’œuvre figurent en tête de liste des préoccupations des entreprises représentées par le CPQ. Le capital humain est en effet une des richesses essentielles pour une économie prospère.
Rappelons à cet égard que le CPQ s’est donné pour mission de s’assurer que les entreprises disposent au Québec des meilleures conditions possibles – notamment en matière de capital humain – afin de prospérer de façon durable dans un contexte de concurrence mondiale. Année après année, les divers facteurs liés au capital humain sont jugés parmi les plus critiques par les membres de notre organisation. Dans une enquête menée en 2015 auprès d’eux, 53 % des répondants ont dit compter des postes vacants difficiles à pourvoir, le nombre insuffisant de candidats qualifiés étant la principale raison dans 70 % des cas.
Le succès des entreprises et la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée constituent un tandem indissociable. Depuis un certain temps, les employeurs notent que la main-d’œuvre qualifiée se fait de plus en plus rare, et que la situation est de plus en plus pressante à redresser. Une meilleure adéquation entre d’une part, la formation de base et la formation continue en emploi et, d’autre part, les besoins du marché du travail s’avère l’une des pistes principales et des plus prometteuses pour répondre à leurs préoccupations. Il s’agit essentiellement d’une question d’offre et de demande, et il faut créer les conditions propices à un meilleur arrimage entre cette offre et cette demande. Le manque d’adéquation se situe, entre autres, sur le plan de l’offre de formation, qui souffre d’un décalage entre l’identification d’un besoin et la disponibilité de cette formation auprès des étudiants éventuels.
En réponse à cette problématique, le projet de loi no 70 (PL 70) modifie diverses lois existantes afin de permettre, notamment, au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS) de renforcer son action en matière d’adéquation formation-emploi, de permettre à la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT) de jouer un rôle accru en la matière, de recentrer son mandat sur des fonctions stratégiques et de favoriser l’intégration en emploi d’une plus grande clientèle.
Le CPQ souscrit aux grands objectifs du projet de loi, à savoir la volonté de faire de l’adéquation formation-emploi un enjeu prioritaire.
Avant d’exposer nos commentaires spécifiques sur le PL 70, nous précisons dans ce qui suit certains éléments qui permettront de mieux situer la position du CPQ sur le projet de loi.
Les prévisions des besoins de main-d’œuvre
Pour la période 2013-2022, on estime à 1 358 500 le nombre de postes qui seront à pourvoir, dont 81 % (1 104 700) pour combler des départs à la retraite. Il s’agit d’une mutation sans précédent dans l’histoire du marché du travail du Québec. Les emplois de niveau technique, dont la plupart exigent une formation technique collégiale ou une formation professionnelle du secondaire, formeront 32 % des emplois à pourvoir.
Afin de maintenir la compétitivité du Québec, nous aurons à miser sur une augmentation de la productivité pour répondre à la raréfaction de la main-d’œuvre que le vieillissement occasionnera, et à l’augmentation des pénuries qui pourraient en découler. Cette productivité dépend, entre autres, d’un capital humain bien formé avec une adéquation optimale entre la formation et les besoins des entreprises. De plus, les investissements en équipements et technologie nécessaires à l’amélioration de la productivité génèrent, en eux-mêmes, des besoins de formation du personnel concerné. Le concept d’adéquation formation-emploi est pertinent aussi bien pour les futurs travailleurs (ex. : étudiants actuels) que pour les personnes sans emploi ou les travailleurs en emploi. Une adéquation formation-emploi bien orchestrée dans tous ses paramètres stratégiques aura un impact significatif sur le quotidien organisationnel des entreprises et sur la prospérité du Québec.
À l’inverse, l’inadéquation entre la formation et les besoins du marché du travail revêt plusieurs formes. Une d’entre elles est le taux de sous-qualification et de surqualification des travailleurs. Près d’un travailleur québécois sur trois est, soit sous-qualifié, soit surqualifié par rapport au poste qu’il occupe présentement.
En outre, on peut énumérer d’autres enjeux relatifs au marché du travail qui influeront sur les prévisions des besoins de main-d’œuvre :
- les difficultés d’intégration sur le marché du travail des immigrants;
- les lacunes sur le plan de la reconnaissance des acquis et des compétences des immigrants;
- la carte des enseignements dans les divers réseaux scolaires secondaire, collégial et universitaire qui mène, pour certains cours, à un cul-de-sac devant l’absence de perspectives d’emploi dans ces domaines et, en outre, l’absence de cohortes d’étudiants suffisantes dans certaines disciplines où existe un fort potentiel d’emploi;
- la faiblesse sur le plan de la formation continue.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’action pour une meilleure adéquation doit toucher tant l’offre que la demande. Du côté de la demande de formation, des aspects culturels, incitatifs et informationnels entrent en jeu. Divers travaux, menés plus particulièrement par l’OCDE, ont démontré des écarts très importants entre les pays en ce qui a trait à l’importance qu’on attache à la formation liée à l’emploi. En règle générale, il faut reconnaître que les pays nordiques et les pays qui ont adopté un système « dual » de formation (ou formation par alternance) sont les leaders en cette matière.
Le travail entrepris pour adopter cette culture en est un de longue haleine qu’il faut poursuivre, et le PL 70 ainsi que le discours qui l’entoure constituent un pas important dans cette direction.
Par ailleurs, du côté de l’offre, il ne faudra pas négliger l’importance de la formation continue pour la main-d’œuvre en emploi. À ce chapitre, un enjeu important demeure celui de l’insuffisance d’une offre adéquate et ajustée aux besoins des travailleurs, particulièrement en ce qui a trait à la formation à temps partiel aux niveaux secondaire professionnel et technique collégial.
Le PL 70 vise à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi; il répond ainsi à un besoin réel de notre marché du travail. Le CPQ retient que le PL 70 se penche sur trois grands volets :
- des changements de structure en ce qui touche les rôles et les fonctions de la CPMT, du MTESS et d’Emploi-Québec;
- un élargissement de l’objet de la loi sur les compétences pour inclure la main-d’œuvre future, ce qui inclut notamment l’offre de stages et le soutien au développement de programmes scolaires mieux adaptés au marché du travail;
- l’instauration du Programme objectif emploi, qui vise à offrir aux personnes sans emploi qui y participent, un accompagnement personnalisé en vue d’une intégration en emploi.
À la lumière de ces observations, et dans l’ensemble, le CPQ jette un regard positif sur le PL 70 et en appuie les principes. Il formule toutefois certaines mises en garde pour assurer que le projet de loi atteigne les objectifs et les résultats escomptés. Voici dans ce qui suit quelques commentaires plus spécifiques.