Viser l’exploitation du savoir et non seulement de l’avoir

Comme c’est le cas pour tous les signataires du Manifeste des 13 Étonnés, notre démarche qui permet de réactiver un processus qui pourrait permettre l’émergence d’un Plan numérique pour le Québec m’a mobilisé et encore plus impliqué dans notre vision d’un avenir prospère pour le Québec. Mais il n’y aura pas de plan ni même de future société québécoise basée sur le numérique si l’on ne relève pas à mon avis deux grands défis auxquels font face les entreprises et ensuite leurs employés.

D’une part, il faut que nous cessions de penser que le développement économique du Québec et donc de notre prospérité passe nécessairement par l’exploitation traditionnelle de ses ressources naturelles. Nous ferions beaucoup mieux collectivement si l’on alignait ce développement vers les nouvelles technologies et entreprises numériques, vers l’exploitation du savoir et non plus seulement de l’avoir.

On parlait encore jusqu’à tout dernièrement de développer les ressources naturelles comme on le faisait dans les années 50 ou 60. Brader nos ressources pour que d’autres en fassent des produits et des profits de la nouvelle économie ? Quel poids aura le Québec face à des géants comme les États-Unis, l’Europe, la Chine, l’Inde, la Russie ou le Brésil ? Pourtant, le Québec occupe une position stratégique, des créneaux que nous pourrions occuper si nous ne dormions pas collectivement au gaz comme c’est le cas actuellement.

Géographiquement, le Québec occupe, d’une part, une place stratégique pour la transmission de données par fibre optique.

Il est sur le chemin le plus court pour relier l’Europe et la Chine, donc en mesure de profiter des retombées potentielles de l’installation d’une autoroute à méga-débit, un peu comme le PC1-Cable (PC pour Pacific Crossing et à 640 Gigabits/seconde) qui relie actuellement le réseau WIDE Internet (Widely Integrated Distributed Environment) au Japon au réseau américain Abilene (Advanced Networking for Learning-edge Research and Education) du projet nommé ambitieusement Internet2.

Quand on construit une autoroute, qu’arrive-t-il habituellement ? Eh bien les entreprises ont tendance à s’installer pas très loin afin de profiter les facilités de transport qu’elle offre. C’était aussi le cas avant avec le rail et même pour la navigation. Les entreprises se sont toujours installées là où l’on pouvait faciliter le transport de leurs produits.

Et quels sont les produits des nouvelles entreprises de l’économie numérique ? Le savoir basé sur les données.

Des données qu’il faut transmettre, bien sûr, mais aussi gérer, exploiter analyser et visualiser grâce à l’infonuagique, mais aussi entreposer.

Lors de l’un de mes passages à San Francisco, pour la conférence Web 2.0 Expo, j’avais relaté une entrevue entre Tim O’Reilly et Jonathan Schwartz, alors président et CEO de Sun Microsystems, dont voici un extrait :

« Ce qu’il veut dire par entrepôts-conteneurs, c’est que Sun, Google, Amazon, Microsoft et les autres doivent penser à des entrepôts mobiles, qui peuvent suivre les sources d’énergie. Encore plus intéressant, il en est arrivé à parler des entrepôts situés dans des endroits où on réchauffe les équipements au lieu de les climatiser. De l’antigel au lieu de l’air conditionné… Et aussi en arriver à les automatiser complètement. Un peu comme les postes et les centrales hydroélectriques qui sont opérés à distance… Et aussi réduire, du moins aux États-Unis, leur dépendance aux énergies fossiles comme le charbon. En ce sens, certains joueurs comme Microsoft planifient l’installation d’entrepôts en Sibérie… »

Vous voyez les opportunités ici, entre autres, pour l’économie québécoise ?

En effet, le Québec est un pays nordique et théoriquement assez froid. Il a une source inépuisable d’énergie : l’eau. Et il a des infrastructures industrielles à recycler dont des alumineries, idéales pour installer des mégaentrepôts de données, puisque déjà équipés de l’infrastructure de transformation électrique. Vous imaginez pour l’économie de Shawinigan ? Ou de Jonquière, de Baie-Comeau ou de Beauharnois ? Quatre régions, même combat…

Le gouvernement et l’entreprise privée devraient comprendre et se concerter pour exploiter ce nouvel atout…

Il est clair que le gouvernement du Québec n’a pas compris, car il a justement refusé la permission à Google de venir installer de tels équipements au Québec… Il y a des sous-ministres qui pensent plus à ne pas faire de vagues jusqu’à leur retraite plutôt qu’à prendre des risques pour assurer le développement économique et technologique du Québec et ainsi assurer notre compétitivité sur la scène mondiale où se joue actuellement le grand positionnement technologique, la guerre pour le contrôle des données ou « Data War » dont je parle souvent…

Il n’ont pas compris que l’installation de mégaentrepôts de données, même s’ils ne créent que peu d’emploi à long terme crée par contre un environnement favorable à l’installation à proximité d’une foule d’entreprises de haute technologie ayant besoin de deux commodités essentielles fournies ailleurs aux entrepôts de Google, d’Amazon ou de Microsoft: l’énergie et la bande passante.

Les entrepôts de données pourraient donc servir de fondements à des pôles numériques comme il n’y a pas si longtemps on parlait de grappes industrielles…

Pour mettre en place un véritable Plan Nord technologique et non pas minier, le Québec pourrait tout de même tabler sur ses atouts traditionnels : sa situation géographique et son climat, ses ressources naturelles, pas les mines mais l’eau, l’hydroélectricité et aussi la créativité de l’ensemble de sa population qui l’a longtemps placé au-devant de l’industrie du numérique, tant dans les entreprises du Web 1.0 avant l’éclatement de la Bulle, que maintenant avec l’industrie du jeu, celle du e-commerce et du jeu vidéo.

Avoir sur son territoire, à la fois les meilleurs réseaux, disponibles à meilleur coût, et les entrepôts qui feront partie de « l’infonuagique » est essentiel à notre développement en tant que société et il est urgent d’agir.

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