À eux seuls, les gouvernements et l’économie de marché ne peuvent assurer notre prospérité. Pour y parvenir, nous avons aussi besoin de l’entreprise sociale.
D’abord, entendons-nous sur ce qu’est la prospérité. Le Petit Larousse nous dit qu’il s’agit de « l’état de ce qui est prospère, marqué par l’expansion et l’abondance » ou de « quelqu’un qui est dans une situation favorable sur le plan économique ou celui de la santé ». Et Wikipédia souligne que la prospérité est notamment le résultat d’une « appréciation générale des individus et de leur condition ».
La prospérité individuelle et collective s’évalue donc en partie sous l’angle économique, mais cette facette n’en est qu’une seule parmi plusieurs permettant de juger de la qualité de la condition humaine au sein d’une société. Bien sûr, une économie saine permet à nos institutions d’investir dans des programmes sociaux au service de la population, et à un plus grand nombre d’individus de se procurer des produits et services favorisant leur bien-être quotidien. Toutefois, la création de richesse à elle seule n’est pas garante du bien-être de tous.
Nous sommes quotidiennement témoins ou victimes de problèmes sociaux ou environnementaux auxquels la richesse n’a pas de solution. Des caisses bien remplies, sans plus, ne sont pas des remèdes efficaces à l’intimidation, au racisme et au réchauffement climatique. Des solutions novatrices visant à attaquer spécifiquement ces problèmes sont nécessaires. À qui revient-il de développer ces solutions?
Nos gouvernements?
Quoique nos gouvernements et municipalités aient pour rôle de favoriser le bien-être de nos collectivités, leurs interventions sont inefficaces à elles seules. La nature et la complexité de l’appareil politique et de la fonction publique les empêchent, seuls, d’identifier les problèmes sociaux vécus par nos populations, d’en comprendre les fines nuances et d’agilement développer des solutions utiles et efficaces.
L’économie de marché?
Quant à nos entreprises, elles créent effectivement de la richesse. Il est aussi vrai que de plus en plus, elles sont tenues de prendre en compte des intérêts sociaux et environnementaux qui dépassent ceux des actionnaires. Il n’en demeure pas moins que l’économie de marché obéit à des principes qui la contraignent à prioriser l’intérêt des actionnaires et lui donnent la conception erronée que la création de richesse tiendra nécessairement compte de l’intérêt de tous. Comme le soulignait l’économiste John Maynard Keynes, « Capitalism is the astounding belief that the most wickedest of men will do the most wickedest of things for the greatest good of everyone ».
Les entrepreneurs sociaux?
L’intervention des entrepreneurs sociaux est nécessaire afin de développer des solutions novatrices visant à résoudre les problèmes sociaux et environnementaux les plus criants. Selon l’Institut du Nouveau Monde, ceux-ci se définissent comme des individus qui identifient des problématiques ou des besoins sociaux, mettent de l’avant une solution pragmatique et novatrice dans le but de favoriser le changement et l’innovation sociale et utilisent des principes entrepreneuriaux pour créer et gérer une organisation qui réalisera cette solution.
Les meilleurs entrepreneurs sociaux ont une vision particulière du changement social qui ultimement est plus importante que toute autre cause. Ils sont des guerriers pour leur cause et leur engagement les propulse souvent à agir comme leaders de mouvements sociaux. À ce sujet, Bill Drayton, fondateur d’Ashoka, une institution pionnière du domaine de l’entrepreneuriat social, mentionnait: « Social entrepreneurs are not just content to give a fish, or teach how to fish. They will not rest until they have revolutionized the fishing industry. »
Cet engagement à transformer la société à sa façon est nécessaire afin de donner le jour, par de nombreuses itérations, à des solutions réellement susceptibles d’être utiles pour la collectivité. Pour s’en convaincre, il suffit de penser à des entrepreneurs sociaux comme le Dr Gilles Julien, qui fait avancer depuis des années le mouvement de la pédiatrie sociale au bénéfice des enfants de quartiers plus vulnérables, ou à Jean-François Archambault, fondateur de la Tablée des Chefs, qui lutte sans relâche afin de mettre un terme à l’insécurité alimentaire.
Bien sûr, les entrepreneurs sociaux et leurs entreprises ne peuvent à eux seuls résoudre les problèmes sociaux et environnementaux existants. Des changements qu’on appelle « systémiques », qui transforment profondément une société, ne peuvent survenir que lorsque les causes défendues par les entrepreneurs sociaux et les innovations qu’ils proposent deviennent suffisamment convaincantes et importantes pour être prioritaires dans l’économie de marché, nos institutions publiques et parapubliques, et ultimement, dans les valeurs d’une population. Ce travail est long et, pour chaque cause, il est tributaire de la collaboration d’une multitude d’individus de tous les secteurs.
Alors comment encourager un plus grand nombre de citoyens à devenir des entrepreneurs sociaux?
Voilà l’objet d’un prochain billet de blogue!