Chronique de Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef du Conseil du patronat du Québec
Premières en Affaires, p. 8 – Juin-Juillet 2015
Plusieurs intervenants l’ont déjà souligné : la performance économique du Québec laisse à désirer lorsqu’on la compare à cette d’autres provinces et pays développés, notamment en ce qui a trait au revenu par habitant. Pourtant, le gouvernement continue d’offrir une gamme de services publics plus étendue qu’ailleurs. Ces deux situations sont difficilement conciliables à long terme. Heureusement, le Québec dispose de richesses naturelles considérables et variées : forêts, minéraux et métaux, en plus de l’énergie et des réserves d’eau douce.
Les ressources naturelles sont des atouts qu’il faudrait pouvoir exploiter de façon responsable afin d’assurer une plus grande croissance économique et de contribuer au financement de nos services publics. L’exploitation de ces ressources contribue à la création d’emplois directs et indirects de qualité dans l’ensemble des régions du Québec, à accroître les exportations et les revenus gouvernementaux. Elle contribue aussi à l’innovation, comme en témoignent les exportations de machinerie reliée aux ressources naturelles.
Exploitation salutaire
L’exploitation responsable des ressources naturelles peut même réduire les inégalités. En effet, selon des chercheurs de la Vancouver School of Economics(1), les inégalités auraient diminué dans les provinces touchées par le boom des ressources naturelles (mines, pétrole et gaz). L’exploitation de ces ressources a eu un impact considérable sur la croissance rapide des salaires à Terre-Neuve, en Saskatchewan et en Alberta par rapport aux autres provinces depuis la fin des années 1990 (à lui seul, le boom expliquerait les deux tiers de l’écart dans la croissance des salaires). En prenant l’Ontario comme référence, les salaires moyens dans ces trois provinces ont augmenté de 23 %. Non seulement ce boom a élevé les revenus de tous (« lifted all boats »), mais il a aussi contribué à réduire la dispersion salariale entre les travailleurs.
La prospérité québécoise s’est édifiée sur l’exploitation responsable de ses ressources naturelles, dont les ressources énergétiques, et elle pourrait continuer de l’être. Le Québec détient 3 % des réserves d’eau douce de la planète, 25 % de l’hydroélectricité de l’Amérique du Nord et 45 % de son territoire est recouvert d’une forêt productrice de fibres de haute qualité. De plus, d’importants potentiels de développement demeurent, notamment dans le secteur de l’hydroélectricité, dans l’éolien, dans le secteur minier ainsi que dans les réserves d’hydrocarbures dans le bassin d’Anticosti et le golfe du Saint-Laurent. Le Québec est ainsi privilégié par la présence de ressources diversifiées ce qui diminue sa dépendance envers une seule ressource, comme c’est le cas par exemple en Alberta. Toutefois, le potentiel québécois en matière de ressources naturelles reste largement sous-exploité. Le secteur des ressources naturelles non-transformées représentait 6 % du PIB réel en 2013 comparativement à 14,1 % pour le secteur de la fabrication. Si l’on exclut la production, le transport et la distribution de l’électricité, la part des ressources naturelles non transformées devient de l’ordre de 2 % seulement!
Bien entendu, l’exploitation des ressources doit se faire de façon responsable et durable, dans le respect de l’environnement et des communautés, de même qu’en pensant aux générations futures. La réglementation dans les juridictions a évolué et s’est adaptée. Plusieurs États se sont enrichis et ont amélioré le niveau et la qualité de vie de leurs citoyens grâce à l’exploitation de leurs ressources naturelles, comme par exemple la Norvège et l’Australie, et plus près de nous l’Alberta. Ces derniers peuvent servir d’exemple, autant pour les bonnes pratiques dont nous pouvons nous inspirer que pour les erreurs qu’il faut éviter.
Le gouvernement du Québec a jusqu’à présent démontré une ouverture à aller de l’avant en ce qui concerne l’exploitation du potentiel de nos ressources naturelles. Poursuivre dans cette direction serait crucial pour la prospérité du Québec.
Notes