Je me souviendrai toujours du moment où j’ai compris que j’étais entrepreneur dans l’âme. C’était il y a une douzaine d’années. J’étais cadre au sein du Groupe Pages Jaunes, dans l’équipe numérique. Me rapportant directement au vice-président, nouveaux médias (comme on appelait ce département à l’époque), nous avions une ligne directe avec le PDG de l’entreprise et celui-ci nous avait quasiment donné carte blanche.
Nous étions une trentaine d’employé(e)s au sein d’un grand groupe, une bande de pirates qui étaient là pour changer le monde. Et dans ces bonnes conditions, sur 8 ans, nous avons multiplié par cinquante les revenus numériques de la compagnie. Nous étions intrapreneurs, de véritables agents de changement à l’interne et j’ai beaucoup appris là-bas sur le métier d’entrepreneur.
D’ailleurs, récemment, cet article du Harvard Business Review prônait l’arrivée d’un directeur de l’entrepreneuriat au sein des grandes organisations, pour « créer les processus, les incitatifs et les mesures qui encouragent les idées radicales et permettent de trouver de nouvelles zones de croissance. » Ça m’a rappellé l’importance de notre rôle au sein des Pages Jaunes.
Au cours des 9 derniers mois, j’ai eu l’opportunité de rencontrer et discuter d’entrepreneuriat et de numérique avec le Premier Ministre Philippe Couillard, le ministre de l’économie Jacques Daoust et le Président du Conseil du Trésor, Martin Coiteux. Par leurs questions, j’ai bien senti une grande volonté de favoriser l’entrepreneuriat numérique et d’amener une nouvelle façon de faire au gouvernement du Québec. Mais j’ai aussi senti qu’ils auront besoin d’aide pour décoder cette nouvelle culture. Après tout, nous attendons toujours le plan numérique du Québec promis il y a un an.
Et ils semblent bien que nos voisins Américains ont compris cela. Diane Bérard, du journal Les Affaires, rapportait récemment que, « en 2015, 27 entrepreneurs/technologues américains ont quitté leur entreprise pendant un an pour devenir employés du gouvernement américain. » dans le cadre du programme « Presidential Innovation Fellows ».
Diane Bérard suggère que le gouvernement du Québec pourrait explorer une telle idée, mais si on veut le faire, il faudra identifier ces singuliers entrepreneurs (dont je suis), qui sont à l’aise dans les grandes et dans les petites organisations, qui peuvent être agents de changement. Et il faudra leur offrir les bonnes conditions pour réussir, soit un poste conséquent,le support de la haute direction, la réduction de la politique interne et de la bureaucratie, une rémunération intéressante, des équipes de talent, etc. Bref, les conditions nécessaires pour gagner.
Comme avec mon expérience aux Pages Jaunes, dans les bonnes conditions, je considérerais sérieusement la chose et je connais plusieurs autres personnes qui le ferait aussi. Et ça, ce serait aussi contribuer à la prospérité du Québec.