« Contrairement aux idées reçues, justifier une augmentation du salaire minimum pour améliorer la condition des personnes à bas revenus est, au mieux, un levier de progression social très incertain, aux effets collatéraux plus négatifs que positifs, et, au pire, un moyen susceptible de nuire à ceux dont on espère améliorer le sort: c’est ce qui ressort de nos analyses », affirme le président-directeur général, M. Yves-Thomas Dorval.
Les différentes études réalisées sur l’impact d’une augmentation accélérée concluent toutes, à des degrés divers, à des risques de pertes d’emplois et de réduction des heures travaillées, donc, à une augmentation de la précarité. Ces études peuvent se distinguer par l’ampleur des effets mesurés, mais elles permettent toutes de conclure qu’augmenter de façon substantielle le salaire minimum en créant ainsi une rupture dans le rapport entre le salaire minimum et le salaire moyen, revient à prendre un risque global pour l’économie et les personnes.
Le revers de la médaille du 15$/h : un prix économique et social à payer
Les effets induits d’une augmentation accélérée du salaire minimum sont multiples et ne s’arrêtent pas à un effet de redistribution entre l’employeur et l’employé. C’est pourquoi, le CPQ a souhaité contribuer à la réflexion en s’appuyant sur les études existantes, en plus de commander une étude originale complémentaire, très prudente, faisant appel à un modèle d’équilibre général dynamique, afin de mesurer les impacts, y compris positifs, sur diverses variables économiques (emploi, PIB réel, investissement en capital, revenus, inflation, exportation, chômage, consommation) selon trois différents scénarios de rapidité d’augmentation, et en regardant les effets pour divers secteurs économiques.
« Les résultats de tous les scénarios d’augmentation ont en commun de démontrer qu’il serait très hasardeux de s’aventurer trop loin dans une telle avenue, sans accepter d’encourir plusieurs risques, surtout dans le contexte du Québec et de ses politiques fiscales et sociales », soutient M. Dorval. « Dans les faits, et c’est notre conclusion la plus troublante, bien qu’il puisse y avoir quelques gagnants d’une telle mesure, on observe une diminution du pouvoir d’achat pour l’ensemble des ménages québécois; au final, on fait entrer un éléphant dans un magasin de porcelaine, on paye collectivement pour la casse, tout ça pour quoi ? »
Quels que soient les scénarios d’augmentation, une hausse accélérée du salaire minimum mène globalement à :
- Une augmentation des salaires ainsi que du revenu disponible des ménages dans un premier temps, mais qui s’estompent par la suite, au point d’observer en bout de ligne un effet « feu de paille » en raison d’une diminution du pouvoir d’achat et de l’épargne pour l’ensemble des ménages québécois;
- Une diminution des exportations et des bénéfices des entreprises, due à la hausse des coûts des entreprises et la baisse de leur compétitivité, ainsi que du PIB réel;
- Des pertes d’emplois significatives dans plusieurs secteurs et qui rappellent la sensibilité du marché du travail à la hausse du rapport salaire minimum / salaire moyen;
« Empiriquement, ces effets semblent connus des employeurs, puisque lorsqu’on leur pose la question, la grande majorité (58 %) préconise une augmentation annuelle du salaire minimum en proportion du salaire médian, comme cela est déjà le cas actuellement, autour de 45 %, et ce, qu’ils aient des employés au salaire minimum ou non », de conclure M. Dorval. « D’ailleurs, dans le cas où le salaire minimum serait haussé à 15$ de l’heure, parmi les entreprises ayant des employés au salaire minimum : 62% prévoient une augmentation des prix et tarifs, 40% des mises à pied et 35% un ajustement de l’ensemble des échelles salariales de l’entreprise ».
Regards croisés sur les impacts sectoriels
Une hausse du salaire minimum viendrait rompre un équilibre global du marché du travail déjà fragile en imposant un fardeau additionnel aux coûts de certaines entreprises, ce qui mettrait à mal des pans importants de notre tissu économique, en affectant particulièrement des secteurs essentiels à un ensemble de maillons économiques interdépendants.
Dans sa démarche, le CPQ s’est donc aussi particulièrement intéressé à des secteurs d’activité spécifiques, notamment avec l’aide de ses partenaires issus des secteurs du commerce de détail, de la restauration et de l’agroalimentaire. Autant de secteurs en pleine transformation, avec des modèles d’affaires mis au défi par l’économie numérique et la concurrence internationale.
« La main-d’œuvre représente plus de 40 % du prix de revient des fruits et des légumes au Québec. Avec une augmentation rapide du salaire minimum à 15 $ de l’heure, la compétition étrangère profiterait de l’augmentation des prix des produits locaux pour prendre le marché », déclare Jean-Marie Rainville, premier vice-président de l’Association des producteurs maraîchers du Québec et producteur à Dunham.
« La restauration est une industrie qui se distingue par sa forte densité de main-d’œuvre. Les salaires représentent d’ailleurs 35 % de nos coûts d’exploitation, bien plus que dans le secteur manufacturier. Si les taux du salaire minimum augmentent trop brusquement, les gestionnaires de restaurants n’auront pas le choix de prendre les moyens nécessaires pour maintenir leur rentabilité. On parle ici d’une diminution des heures des employés, d’une réduction des heures d’ouverture et d’éventuelles mises à pied », selon M. Claude Gauthier, président du conseil d’administration de l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ).
« Une hausse aussi importante du salaire minimum aurait un impact majeur pour les détaillants, mais c’est aussi l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement qui serait affecté. Une telle mesure nuirait donc non seulement au secteur du commerce de détail, qui à lui seul représente plus de 400,000 emplois, mais aussi à une grande partie de l’économie québécoise », a déclaré Diane J. Brisebois, Présidente et directrice générale du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).
« Contrairement à d’autres secteurs de l’activité économique, le commerce de détail est, tout comme la restauration, doublement sensible au salaire minimum. D’abord, 13 % des emplois sont au salaire minimum, et une augmentation à 15 $/h aurait des impacts directs et indirects sur environ 80 % des salariés du secteur du commerce de détail. Les salaires y sont en moyenne six fois plus élevés que les profits, ainsi, une hausse de seulement 1 % des salaires équivaut à une baisse de profits de 6 %. Dans le contexte de concurrence féroce dans lequel ils naviguent, les détaillants ont une marge de manœuvre à peu près inexistante, alors que leurs profits nets oscillent entre 2 % et 6 %. Même réduits, ces profits font la différence entre un détaillant qui survit et un autre qui doit fermer ses portes… L’équilibre est donc très fragile », a affirmé le PDG du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), M. Léopold Turgeon.
« Les deux secteurs qui sont les plus touchés par des changements au salaire minimum sont ceux du détail et de la restauration, et ils sont également les deux principaux clients des entreprises de transformation alimentaire. De surcroit, le prix des intrants peut augmenter en conséquence, puisque le salaire est un facteur déterminant du coût de production des denrées agricoles. L’impact est donc amplifié pour l’industrie de la transformation alimentaire, qui pourrait se trouver à gérer une hausse des prix parallèlement à une baisse des marges et des ventes, autant sur les marchés domestiques qu’internationaux », selon Mme Sylvie Cloutier, Présidente-directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ).
Le progrès social ne repose pas que sur le salaire minimum, surtout au Québec
« Personne ne dit que de travailler au salaire minimum, même après des transferts sociaux et fiscaux, c’est la panacée. Par contre, on a le devoir moral de reconnaître qu’au Québec, la situation des personnes à bas revenus, particulièrement avec enfant(s), est prise au sérieux et progresse, grâce notamment aux politiques familiales », souligne M. Dorval. « Beaucoup de progrès ont aussi été accomplis dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, même s’il reste du chemin à faire. »
Alors que le gouvernement mène une grande consultation sur l’importance de la réussite éducative et doit renouveler sa Politique de lutte contre la pauvreté et l’exclusion en 2017, les employeurs estiment, à l’approche d’un prochain budget, que la table est mise pour envisager un examen sérieux des mesures qui contribueront concrètement à l’amélioration de la condition des personnes pour lesquelles des écarts restent à combler.
« Par ailleurs, il faut revenir sans relâche sur l’importance de l’éducation et de l’emploi comme véhicules d’ascension sociale. Ça commence avec l’instruction, la persévérance et la réussite éducative dès le plus jeune âge, et ça passe par la formation et le développement des compétences. Ensuite, il faut savoir reconnaître la valeur des transferts sociaux et fiscaux comme facteurs de rééquilibrage. Mais pour redistribuer de la richesse, il faut d’abord la créer ! », de conclure M. Dorval.
Pour consulter l’avis du CPQ, qui inclut l’étude de Daméco et le sondage mené par la firme Léger, veuillez cliquer sur ce lien.
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Regroupant plusieurs des plus grandes entreprises du Québec, le Conseil du patronat du Québec réunit aussi la vaste majorité des associations patronales sectorielles, ce qui en fait la seule confédération patronale du Québec. Il représente directement et indirectement plus de 70 000 employeurs de toutes tailles, tant du secteur privé que public, ayant des activités au Québec.
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