Le CPQ (Conseil du patronat du Québec) souhaite apporter quelques commentaires généraux et rappeler quelques principes dans le cadre de la réflexion sur l’élaboration de la politique énergétique 2016-2025. Les commentaires plus détaillés se retrouvent dans notre mémoire déposé à la Commission sur les enjeux énergétiques en 2013[1]. Nous ne répondons pas à toutes les questions posées dans les différents documents de consultation, malgré leur importance, mais à quelques-unes d’entre elles qui ont retenu plus spécifiquement notre attention.
Le CPQ intervient dans ce débat en tant qu’acteur socio-économique qui souhaite l’adoption de politiques publiques, incluant une politique énergétique, propices à une prospérité durable au Québec. Dans la quête de cette prospérité, les considérations économiques, environnementales et sociales seront intégrées de façon équilibrée et complémentaire.
Voici quelques principes qui guident notre analyse, et qui appuient nos principales recommandations :
Diversification, sécurité énergétique, compétitivité de l’économie québécoise
- Le CPQ reconnaît la nécessité de faire appel à plusieurs formes et sources d’énergie compte tenu de leurs forces et de leurs faiblesses respectives. L’accès à un portefeuille diversifié d’énergies est à l’avantage du Québec à plusieurs points de vue, tant économiques, qu’environnementaux et sociaux. Les besoins sont variés et les différentes formes d’énergie peuvent y répondre de différentes façons, tout en étant complémentaires plutôt que rivales. Le principe est essentiellement d’avoir la bonne énergie au bon endroit. Il faut raisonner en fonction des usages et de la faisabilité technologique, et subordonner les moyens à ces usages.
- Il est primordial que les politiques publiques, incluant la nouvelle politique énergétique, contribuent au développement économique du Québec et à l’amélioration de la compétitivité des entreprises, dans le respect des personnes et des normes environnementales. La politique énergétique peut être pensée autant sous l’angle du développement industriel que de celui de la sécurité et de la diversité des approvisionnements énergétiques du Québec à long terme.
- Le système de plafonnement et d’échange des émissions (SPEDE) permet de tenir compte adéquatement de l’impact environnemental en fonction des objectifs que le gouvernement se fixe, et offre les incitations aux entreprises et aux consommateurs pour se tourner davantage vers des sources d’énergie à plus faible empreinte carbone.
- En matière d’efficacité énergétique, l’approche positive (en récompensant l’effort plutôt qu’en forçant le changement par des contraintes) doit être retenue. C’est d’ailleurs l’approche privilégiée pour les programmes actuels d’efficacité énergétique (PAIE et Technoclimat) qui fonctionnent relativement bien. Les multiples initiatives des consommateurs d’énergie en réponse à un signal de prix adéquat représentent le principal moyen d’accroître l’efficacité énergétique.
- Pour ce qui est, par exemple, de la question à savoir si, dans sa future politique énergétique, le Québec devrait se fixer des cibles précises quant à la part que devrait avoir chaque forme d’énergie dans son bilan énergétique, au terme de la période de 10 ans, il faut reconnaître que plusieurs éléments peuvent avoir un effet sur ce bilan, dont, entre autres, la demande des consommateurs-utilisateurs, les prix mondiaux et les nouvelles technologies. Il semble un peu difficile de fixer des cibles très spécifiques.
- Le gouvernement devrait adopter une approche concertée dans ses différentes politiques, et une approche intégrée tenant compte de l’action des autres provinces et des autres pays. Les orientations et les objectifs de la politique devraient être empreints d’une bonne dose de réalisme et de pragmatisme, notamment dans un contexte de concurrence mondiale accrue. Elles devraient tenir compte des contraintes technologiques et des comportements des utilisateurs des différentes formes d’énergie.
- L’électricité, et notamment l’hydroélectricité, a toujours été l’un des principaux avantages comparatifs du Québec ainsi qu’un puissant outil de développement économique. Elle devra continuer de l’être. Pour la grande industrie génératrice de bons emplois et de richesse, la compétitivité passe obligatoirement par un accès à de l’énergie à un coût concurrentiel par rapport aux autres régions du monde. L’offre énergétique devra être prévisible et stable, à moyen et à long termes, et compétitive à l’échelle mondiale.
- Une politique énergétique doit adopter une perspective à long terme, tant sur le plan des besoins d’énergie et de la capacité de production qu’au chapitre des technologies elles-mêmes, et analyser les différents éléments de bénéfices et de coûts de chaque solution.
- Pour ce qui est de la question d’élargir les responsabilités de la Régie de l’énergie de manière semblable à celles de la Commission de l’énergie de l’Ontario afin que la Régie tienne des consultations portant sur l’ensemble des dimensions agricoles, sociales, économiques et environnementales des projets énergétiques mis de l’avant sur le territoire québécois, l’idée semble intéressante a priori. Une considération importante toutefois est d’éviter qu’il y ait une superposition de consultations. Ainsi, une question se pose sur le rôle de la Régie au regard du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Il faudrait penser éventuellement à une sorte de guichet unique pour les demandes, les consultations, les autorisations et, surtout, s’assurer que le processus d’évaluation des projets soit clair et prévisible.
Les hydrocarbures
- Le gaz naturel représente une option énergétique économiquement viable et qui contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Il remplace du mazout et, par le fait même, il réduit de 32 % les émissions de GES. Dans le segment du marché du transport lourd, entre autres, le recours à l’électricité n’est pas envisageable sur un horizon à court et à moyen termes. Les technologies ne sont pas au point, l’indépendance des véhicules n’est pas possible et les risques économiques sont considérables. Par contre, faire passer les véhicules lourds du diesel au gaz naturel est une solution prometteuse. Nous constatons déjà qu’un certain transfert s’opère en ce sens, transfert qui se justifie économiquement et qui va dans le sens de l’objectif de la réduction des émissions de GES.
- Comme toutes les sociétés développées, le Québec souhaite diminuer sa consommation de pétrole et diversifier ses sources d’énergie en vue de se diriger vers des énergies renouvelables et vertes ou, selon le cas, des énergies dont le rendement et l’efficacité sont plus optimaux selon les besoins, et générant moins d’émissions de carbone. Toutefois, il faut réaliser que, selon différents scénarios, la consommation de pétrole demeurera importante pour plusieurs décennies à venir, pour plusieurs raisons, dont le fait que cette source d’énergie présente de nombreux avantages qui la rendent difficile à remplacer pour certains usages. Notons, par ailleurs, qu’une part des combustibles fossiles a aussi une utilisation non énergétique comme matière première dans un grand nombre de biens, par exemple pour la production d’engrais chimiques ou de plastique[2], des produits qui contribuent grandement à la qualité de vie des citoyens selon le type d’usage final.
- L’exploitation des hydrocarbures au Québec aurait des retombées économiques considérables. Elle permettrait de créer une expertise, des emplois directs de qualité, de même que des emplois chez les fournisseurs québécois. Elle générerait aussi des recettes considérables en redevances et en impôts directs et indirects. Ces mêmes recettes pourraient être réinvesties intelligemment en innovation, en développement de moyens de transport et de technologies permettant de réduire la dépendance au pétrole et d’aider les entreprises à réduire leur empreinte carbone. D’autres pays ont fait ce choix avec succès. En outre, l’exploitation des ressources pétrolières et gazières permettrait de réduire le déficit commercial du Québec, dont une partie non négligeable est due aux importations d’hydrocarbures. Il peut donc être souhaitable de produire le pétrole au Québec au lieu de l’acheminer sur des kilomètres, en provenance d’États parfois exposés à de fortes tensions géopolitiques ou moins soucieux que nous de leur environnement. Il faut noter ici, par ailleurs, que même s’il est sûrement souhaitable d’accroître le recours au transport collectif, il faut tenir compte de certaines réalités régionales et des zones faiblement peuplées.
- Les projets de nouvelles infrastructures de transport d’hydrocarbures doivent être encouragés pourvu qu’ils procurent des retombées économiques avantageuses pour le Québec. Il faut rappeler que le Québec bénéficie aussi de façon indirecte d’une plus grande richesse de l’ensemble du Canada, dont celle provenant de l’ouest du pays. Tout en reconnaissant que le risque zéro n’existe pas, les entreprises et les gouvernements doivent s’assurer que toutes les mesures de prévention, de contrôle et de mitigation en cas d’accident soient les meilleures possibles.
Notes
[1] Conseil du patronat du Québec, Commentaires du Conseil du patronat du Québec présentés à la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, octobre 2013.
[2] HEC Montréal, Chaire de gestion du secteur de l’énergie. L’état de l’énergie au Québec, 2015.