Lettre ouverte par Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ, publiée le 30 septembre 2024 dans La Presse+.
Il est temps de tirer la sonnette d’alarme.
Le Conseil du patronat du Québec le rappelle constamment, depuis plusieurs années, l’environnement d’affaires au Québec se détériore. Ce constat, qui peut sembler alarmiste pour certains, est pourtant la réalité à laquelle nos entreprises doivent faire face au quotidien.
Nos entreprises, qu’elles soient des fleurons bien établis ou de jeunes pousses prometteuses, peinent à naviguer dans un environnement de plus en plus contraignant, tant sur le plan fiscal qu’administratif, sans parler du cynisme ambiant dans l’opinion publique.
Ces contraintes ne sont pas sans conséquence : elles freinent notre capacité à innover, à croître et à attirer les talents indispensables à notre développement.
Cette dynamique s’observe surtout dans l’attraction des entreprises étrangères. Le Québec a longtemps été perçu comme une terre d’opportunités pour les investisseurs étrangers, mais cette perception s’effrite. Face à la compétition mondiale, nos gouvernements se voient obligés d’adapter les règles pour convaincre des entreprises d’ailleurs de venir s’installer chez nous, entraînant des enjeux notamment en matière d’acceptabilité sociale.
Cela fait en sorte que nos propres entreprises sont freinées, tandis que des conditions plus favorables sont offertes à celles qui viennent de l’extérieur. Cette dichotomie alimente un débat malsain qui met en opposition les entreprises d’ici et celles venues d’ailleurs.
Au lieu de cela, nous devrions concentrer nos efforts sur la recherche de solutions pour être capables de faire les deux.
Le Québec a le potentiel d’à la fois soutenir ses champions locaux et attirer des investissements étrangers de qualité. Ces deux objectifs ne sont pas mutuellement exclusifs.
Bien au contraire, ils peuvent se renforcer mutuellement si nous savons tirer parti de nos forces. Cela demande aux gouvernements de mieux saisir le rôle que peut jouer l’économie et d’adapter l’environnement d’affaires en proposant une vision qui détonne avec les tendances interventionnistes qui ont caractérisé la plupart des gouvernements récents.
Cela m’amène à un point crucial : nous avons, collectivement, perdu une partie de notre ambition.
Le Québec a jadis été reconnu mondialement pour ses réussites entrepreneuriales. Des entreprises comme Bombardier, Premier Tech et Cascades, pour ne nommer que celles-ci, ont mis le Québec sur la carte mondiale de l’innovation et du savoir-faire industriel. Ces succès étaient le fruit d’une ambition partagée par l’ensemble de la société, d’une vision tournée vers l’avenir et d’une volonté de repousser les limites. Où est passée cette ambition ?
Aujourd’hui, la saveur du jour est de montrer du doigt les entreprises comme étant responsables de nombreux maux qui affectent notre société.
Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Renouons avec cette ambition qui a fait la renommée du Québec. Oui, il y a des défis à relever, mais ces défis ne seront surmontés que si nous travaillons ensemble, dans un climat de collaboration et non d’opposition.
En fin de compte, nous avons deux options devant nous. La première, nous pouvons continuer à nous plaindre et faire fi de la réalité dans laquelle nous vivons, ou alors, la deuxième, nous pouvons choisir de nous retrousser les manches, de renouer avec notre esprit entrepreneurial et de créer les conditions propices qui amèneront davantage de prospérité.
Nous avons le pouvoir d’être les chefs de file comme ce fut le cas par le passé, mais cela ne pourra se faire si nous avons collectivement perdu cette ambition.