Seuils d’immigration – Un levier de prospérité incontournable, pas une variable électorale

Lettre ouverte par la présidente et cheffe de la direction du CPQ, Michelle LLambias Meunier, publiée le 4 novembre 2025 dans La Presse.

À chaque cycle électoral, des thèmes reviennent comme les saisons. L’immigration en fait partie.

On y projette des inquiétudes légitimes : langue, logement, intégration, ainsi que des impératifs tout aussi légitimes : embaucher, prospérer, innover.

Mais c’est justement parce qu’elle touche à la fois l’économique et le social que l’immigration exige autre chose que des messages qui varient au rythme de l’actualité.

Depuis un an, les annonces se succèdent. Ici, on serre la vis pour les temporaires ; là, on ajuste des seuils. Chaque décision peut s’expliquer isolément, mais pas la vingtaine de changements réglementaires annoncés par les gouvernements ces 15 derniers mois.

L’économie, elle, vit dans la durée : ouvrir une ligne de production prend des mois, un investissement s’amortit sur des années, un contrat se gagne ou se perd en semaines. Ce que les employeurs demandent n’est pas un « bar ouvert », mais la prévisibilité pour atténuer la pénurie de main-d’œuvre : des règles claires, des mesures à la hauteur de l’enjeu et des paramètres qui ne changent pas en fonction de la force du vent.

La prévisibilité ne se décrète pas, elle se pratique. Elle se mesure à la constance des signaux envoyés au marché du travail et à la cohérence entre ce qu’on dit et ce qu’on fait. Quand le réseau public recrute à l’international pour stabiliser des services essentiels, on reconnaît de fait qu’une immigration bien cadrée soulage la pression d’un gouvernement employeur qui n’a d’autres solutions. Le message doit être le même pour les entreprises, car elles font face aux mêmes enjeux de recrutement sans avoir accès aux mêmes leviers que le gouvernement.

Des règles claires

Oui, il faut traiter sérieusement la langue, le logement et l’intégration dans nos communautés. Mais cela ne s’oppose pas à la prévisibilité. Au contraire, cela exige de la stabilité : un plan pluriannuel assumé pour assurer le développement de nos entreprises. On peut être exigeant sur les résultats sans être erratique sur les règles du jeu.

Un entrepreneur s’adapte à des contraintes, pourvu qu’elles soient stables. Ce qui est intenable, ce sont les virages soudains qui transforment la gestion des talents en pari trimestriel.

Gouverner au-dessus des vents, ce n’est pas ignorer le climat. C’est nommer la destination, publier l’itinéraire et s’y tenir, même quand ça souffle. En immigration, cela veut dire de la cohérence et la constance. C’est cela qui redonne confiance aux employeurs, aux travailleurs et, surtout, à la population qui doit comprendre clairement où nous allons.

À l’approche de 2026, l’immigration s’invite au cœur des bourrasques politiques. Alors que nous traversons des turbulences, ce dont l’économie a besoin, ce n’est pas d’effets d’annonce, mais d’un cap clair qui ne change pas au gré du vent.

Cette semaine, le gouvernement va préciser le cap avec l’annonce des nouveaux seuils dans la planification pluriannuelle de l’immigration.

Dans cette optique, le Conseil du patronat a proposé d’accueillir 45 000 immigrants économiques permanents pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre. Sous ce seuil, les analyses démontrent que nos entreprises seront moins compétitives, qu’elles perdront des contrats et ne pourront réaliser des investissements importants alors que le contexte économique exige qu’on leur permette de réussir.

Malheureusement, il y a fort à parier que le choix de la destination sera fortement teinté par les élections.

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