Rémunération: l’art de conjuguer incertitude, attractivité et productivité

Chronique par Norma Kozhaya, vice-présidente – Recherche et économiste en chef du CPQ, publiée le 8 octobre 2025 sur le site du journal Les Affaires.

Un grand nombre d’entreprises québécoises planifient à ce temps-ci de l’année leurs budgets pour l’année prochaine. La question de la rémunération et des hausses salariales à prévoir occupe toujours sans contredit une place de choix.

C’est que la question n’a rien d’anodin. Les entreprises doivent aujourd’hui composer avec un environnement économique marqué par une grande part d’incertitude et plusieurs défis: inflation relativement contenue, mais pas encore maitrisée, incertitudes géopolitiques, pression sur les chaînes d’approvisionnement et bien sûr, tensions commerciales avec les États-Unis, notre principal partenaire économique.

Le décor est planté pour une prise de décision complexe pour les employeurs. Plus que simplement les salaires, c’est toute la stratégie de rémunération, de pratiques RH et de conditions de travail qu’il faut planifier, et ce, dans un souci à la fois de compétitivité, d’équité interne et d’attractivité en matière de main-d’œuvre. 

C’est dans ce contexte que le Conseil du patronat du Québec, comme à chaque année, a présenté son dossier spécial sur les prévisions salariales en collaboration avec des partenaires d’excellence (Normandin Beaudry, Mercer, Gallagher, Telus Santé, WTW).

Après l’emballement, le retour à la réalité

À la suite de la pandémie, les salaires ont eu tendance à augmenter de façon plus importante qu’historiquement et même de manière supérieure à l’inflation. De plus, les augmentations salariales accordées aux employés en cours d’année étaient plus élevées que les hausses salariales prévues, ce qui n’est pas vraiment courant.

Or, nous observons que la situation est différente dans le contexte économique actuel et ses multiples défis. L’incertitude pousse à un ralentissement de la demande et conduit inévitablement vers un ralentissement de la hausse des salaires, avec des entreprises hésitant à faire des mises à pied, mais qui freinent les embauches.

Si les hausses demeurent supérieures à celles qu’on a pu observer historiquement, témoignant d’une rareté de la main-d’œuvre persistante, un fort pourcentage d’entreprise prévoit des budgets supplémentaires qui devront être utilisés de façon stratégique pour attirer ou retenir des employés clefs.

La productivité au cœur du problème

Mis à part les variations annuelles, influencées notamment par la conjoncture économique, les perspectives des entreprises et la démographie, on en arrive au constat que la croissance globale des salaires et de la rémunération ne peut que refléter celle de la productivité.

Mais, la productivité, c’est le talon d’Achille des économies québécoise et canadienne. Alors que la productivité se définit comme le PIB que peut générer une heure travaillée, notons que la tendance des vingt dernières années montre que la croissance de la rémunération a suivi celle de la productivité. Seule une croissance de la rémunération au même rythme que celle de la productivité peut être durable et non inflationniste.

Un enjeu collectif incontournable

C’est tout le défi que nous devrons relever comme société, car notre capacité collective à accroître la productivité et par extension, la prospérité du Québec, est la seule façon d’assurer une croissance adéquate et durable de la rémunération.

Si l’heure est à la prudence, avec des entreprises naviguant dans un brouillard économique, une réalité demeure derrière ces chiffres: investir dans la productivité, c’est investir dans notre capacité de payer de meilleurs salaires, aujourd’hui comme demain.

Et sur ce point, il n’y a pas d’incertitude possible.

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