Lettre ouverte cosignée par la présidente et cheffe de la direction du CPQ, Michelle LLambias Meunier, publiée le 24 novembre 2025 dans La Presse.
Le milieu des affaires du Québec est particulièrement préoccupé par le pouvoir que veut s’arroger le gouvernement de détourner ce qu’il appelle les « surplus » du Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC) afin de les acheminer vers le Fonds des générations ou vers le Fonds des réseaux de transport terrestre (FORT).
C’est précisément ce que prévoit le projet de loi 7, Loi visant à réduire la bureaucratie, à accroître l’efficacité de l’État et à renforcer l’imputabilité des hauts fonctionnaires, récemment déposé par la ministre France-Élaine Duranceau. Selon notre compréhension, ces « surplus » représentent essentiellement l’ensemble des sommes non dépensées provenant des sources de financement du FECC, à commencer par le marché du carbone.
Nous rappelons qu’en vertu de la législation en vigueur, les sommes du FECC, y compris les « surplus » accumulés, doivent être utilisées dans un seul objectif : favoriser les mesures visant à lutter contre les changements climatiques, notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) des entreprises. Ce sont ces dernières qui acquièrent des droits d’émission et qui contribuent à financer, de façon substantielle, le FECC.
Ainsi, tout décaissement du FECC devrait servir à réaliser des mesures concrètes et efficientes de réduction des émissions de GES, d’adaptation aux impacts des changements climatiques, d’électrification de l’économie ainsi que de développement et d’utilisation du transport collectif. Dans ce contexte, le transfert de toute somme provenant du FECC vers un autre fonds sans garantie que ces sommes seront utilisées à ces fins est contraire à l’esprit de la loi actuelle.
Urgence d’agir
Le réinvestissement des revenus tirés d’une tarification des émissions de GES est d’ailleurs nécessaire pour atténuer l’impact négatif sur le PIB, comme démontré dans le Document de consultation sur la cible de réduction des émissions de GES du Québec, pour lequel débute une consultation particulière le 25 novembre 2025.
Puisque le FECC est principalement financé par les revenus du Système de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE), il nous semblerait inusité de priver notamment le secteur industriel de sommes qui pourraient, dès maintenant, lui permettre de réduire ses émissions. L’urgence d’agir en cette matière milite pour de telles réductions immédiates. L’état actuel des finances publiques ne saurait, en aucun cas, justifier une réorientation des sommes réservées à la lutte contre les changements climatiques, alors que le FECC n’a jamais eu, n’a pas, et ne devrait jamais avoir une vocation politique.
Le projet de loi 7 est de nature à exacerber cette incongruité, alors que le versement des sommes au soutien de grands projets de réduction des émissions de GES pourrait être remis en question, au profit d’initiatives autres que la lutte contre les changements climatiques.
En somme, nous croyons que le FECC doit maintenir sa vocation spécifique pour la lutte contre les changements climatiques, y compris pour aider les entreprises à se décarboner, ainsi que pour financer le transport collectif.
Signataires
- Hélène Lauzon, présidente du Conseil patronal de l’environnement du Québec (CPEQ)
- Michelle LLambías Meunier, présidente et cheffe de la direction du Conseil du patronat du Québec (CPQ)
- Véronique Proulx, présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)
- Julie White, présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ)