Le projet de loi no°122, Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, a été adopté en fin de session parlementaire au printemps dernier. Il porte sur la reconnaissance de l’autonomie municipale et modifie les règles de façon importante en matière d’aménagement du territoire, de fiscalité et de gouvernance. Le projet de loi a fait parler de lui notamment parce qu’il permet aux municipalités qui se dotent d’une politique de participation publique d’être exemptées de l’obligation de tenir des référendums en matière d’aménagement et d’urbanisme.
Les acteurs municipaux réclamaient davantage d’autonomie et un allégement des contrôles de l’État, en invoquant que c’est à leurs commettants, les citoyens, qu’ils sont redevables. En amenant un renouvellement de la relation entre l’État et les municipalités, le PL 122 force aussi le renouvellement de la relation municipalités-citoyens. De cela, nous avons encore peu entendu parler, si ce n’est qu’en nous attardant à la disposition de la loi qui permettra aux villes qui le souhaitent de se soustraire au régime d’approbation référendaire.
Que les villes maintiennent le régime d’approbation référendaire ou non, la participation publique n’est pas une mode, mais une nouvelle norme. Elle est là pour rester, et il est essentiel de faire en sorte qu’elle soit menée avec la plus grande rigueur. En outre, la participation publique devrait englober d’autres domaines de compétence municipale que l’urbanisme visé par le tant attendu règlement ministériel sur la participation publique. Ce règlement a toutes les chances d’être considéré par les acteurs municipaux comme un référentiel qui cristallisera dans un document officiel les conditions à respecter pour la pratique de la participation publique, peu importe les objets sur laquelle elle porte.
Tant que le règlement ministériel sur la participation publique n’est pas adopté, nous ne pouvons que spéculer sur le mordant qu’il aura ou n’aura pas. Retirer un pouvoir si important n’est pas une mince affaire. Les citoyens y sont attachés. Alors que certains avancent que la menace référendaire est un frein au développement, d’autres répètent qu’un bon projet ne conduit pas au référendum. Dans un contexte où la surveillance de l’État sera moindre, est légitime de trouver cela préoccupant. En commission parlementaire, certains acteurs ont formulé des mises en garde devant les risques d’agir en s’appuyant sur une lecture partielle des impacts négatifs et positifs des référendums sur l’aménagement du territoire et la qualité de la vie démocratique. Il en a été décidé autrement. Le Groupe de travail pour un cadre de référence en matière d’urbanisme participatif formé à la demande du ministre Coiteux a proposé des critères que ses membres jugent acceptables pour l’application du règlement. Il n’a malheureusement pas eu le temps d’approfondir la discussion sur des propositions plus contraignantes, comme le droit d’initiative ou la possibilité pour les citoyens qui se sentent lésés dans l’application d’une politique de participation publique d’exercer des recours plus accessibles et moins dissuasifs que la cour supérieure. Il faudra que la discussion se fasse.
Une chose est sûre : les consultations « événementielles » qui font beaucoup de bruit ne produisent que rarement des résultats satisfaisants. Elles ont aussi le défaut de brouiller les cartes lorsque vient de temps de comprendre comment les contributions citoyennes ont été considérés. Quant au « fétichisme de l’outil » qui afflige certains consultants férus d’approches créatives et qui accorde plus d’importance à la forme qu’au fond, il n’a que pour effet d’accroître – à raison – le cynisme de la population envers toute forme de participation.
Une démarche de participation publique sert à éclairer la prise de décision des élus. Elle ne remplacera jamais le levier qu’était le référendum, aussi déplaisant soit-il, et qui représente pour plusieurs un rempart contre l’abus, ou tout simplement une lecture erronée, aussi bien intentionnée soit-elle, des besoins d’un milieu. Ne l’oublions pas, la confiance des citoyens envers leurs élus municipaux et les acteurs politiques en général a été ébranlée sérieusement au cours des dernières années.
Que reste-t-il aux citoyens ? Leur droit de vote, que seuls 47% d’entre eux ont exercé au dernier scrutin municipal. Combien seront-ils cette fois ? Déjà, nous savons que plus de la moitié des postes aux prochaines élections sont déjà comblés par acclamation, faute d’opposition. Le rendez-vous électoral n’est que le début de la nouvelle relation élu-citoyen qui doit se bâtir. En plus de choisir leurs représentants municipaux pour les quatre prochaines années, les citoyens se voient maintenant investis d’une fonction de vigie. En effet, puisque c’est maintenant à eux que les municipalités sont redevables, ils doivent se préparer à jouer un rôle actif dans la vie municipale. Il faut que le conseil municipal soit un rendez-vous pour les citoyens. Les citoyens ne doivent pas être relégués au banc des simples sujets.
La démocratie participative sera grandement utile aux élus, qui devront dès le 6 novembre se brancher sur les besoins de l’ensemble de leurs commettants, et aux citoyens, pour faire valoir leur voix. Elle est aussi un antidote au cynisme, elle sert à renforcer la confiance entre dirigeants et commettants, et améliore les décisions. L’avenir nous dira si le pari d’un nouveau pacte entre citoyens et élus dans le contexte d’une plus grande autonomie municipale sera relevé avec succès.
À propos de l’auteur :
Julie Caron-Malenfant
Directrice générale
Institut du Nouveau Monde