Le développement des écoquartiers comme gage de bien-être pour les Québécois

Lettre ouverte cosignée par Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ, publiée le 27 juin 2024 dans Le Devoir.

Un écoquartier, c’est la fusion entre le développement durable, l’équité sociale et la préservation de l’environnement, au profit de l’aménagement de quartiers prospères et résilients. Les écoquartiers mettent donc en oeuvre des pratiques visant à réduire leur empreinte environnementale, à favoriser la mixité sociale, à encourager la mobilité durable, à favoriser un milieu de vie sain et dynamique pour les entreprises et les travailleurs, à promouvoir l’efficacité énergétique des bâtiments, à intégrer des espaces verts et à promouvoir des modes de vie respectueux des écosystèmes.

Le succès de cette approche n’est plus à démontrer, les programmes ÉcoQuartier en France et Affordable Housing and Sustainable Communities en Californie étant parvenus à mener efficacement la construction de quartiers qui respectent les limites des écosystèmes.

Compte tenu des avantages évidents des écoquartiers, comment expliquer qu’il s’en construise si peu au Québec ? La raison est simple : tandis que le développement urbain traditionnel engendre des bénéfices financiers à court terme, les avantages sociaux, environnementaux et économiques des écoquartiers apparaissent davantage à long terme. Faute d’incitatifs, les municipalités et les promoteurs manquent de moyens pour changer leurs pratiques. Ce constat révèle une cruelle réalité : nos décideurs et décideuses ont besoin de nouvelles boussoles pour s’orienter.

En effet, depuis près d’un siècle, les gouvernements fondent leurs décisions en fonction de leur impact sur un indicateur : le produit intérieur brut (PIB). Élaboré pour mesurer la valeur produite par le travail et le capital, le PIB ne rend toutefois pas compte du bien-être des individus dans la société. Les limites de cet indicateur sont documentées. En effet, même si le PIB du Québec croît et que les chiffres de l’emploi sont positifs, le bien-être de la population stagne, voire se détériore sur certains aspects, comme en témoigne la crise de l’habitation, la hausse de l’itinérance et de la précarité, le sous-financement des transports collectifs, ainsi que la multiplication et l’intensification des catastrophes naturelles.

Recherche du bien-être

Dans ce contexte, le G15+, un collectif regroupant des leaders des milieux économiques, environnementaux, syndicaux et culturels, invite les gouvernements à adopter une nouvelle approche centrée sur la recherche du bien-être. Simple slogan ? Aucunement. Il s’agit plutôt d’une démarche visant à favoriser des politiques ayant un effet positif sur les éléments constitutifs du bien-être d’une société.

À cet égard, la proposition du G15+, qui invite le gouvernement du Québec à offrir un soutien direct aux municipalités avant-gardistes souhaitant réaliser des projets d’aménagement adaptés au climat, illustre parfaitement la philosophie consistant à replacer le bien-être au coeur des politiques publiques.

En effet, le développement d’écoquartiers, conjugué à la réalisation de projets de requalification urbaine (ex. : décontamination de sites industriels) et de consolidation des milieux de vie déjà existants, apparaît comme un moyen efficace d’agir positivement sur une multitude de leviers du bien-être collectif et individuel. Parmi les indicateurs de bien-être concernés, pensons à la croissance de l’offre de logements abordables, l’amélioration de la qualité de l’air, l’augmentation de l’indice de circularité de l’économie, la réduction du temps de trajet pour se rendre au travail, la croissance de l’offre de transport collectif ou l’accès à un espace vert à proximité de la maison.

Le Plan pour une économie verte (PEV) qualifie d’ailleurs l’aménagement du territoire de « puissant outil d’intervention qui a un effet direct sur la résilience aux changements climatiques ». Néanmoins, la récente mise à jour du PEV ne prévoit toujours aucune mesure de financement au développement d’écoquartiers. Or, l’annonce d’investissements des trois ordres de gouvernement pour enfin lancer le projet d’écoquartier Namur-Hippodrome, où 20 000 nouveaux logements seront construits, dont 10 000 seront abordables, a suscité un énorme enthousiasme ce printemps. Des bonnes nouvelles comme celle-là, il faudrait en annoncer plusieurs par année, et dans toutes les régions du Québec !

Ce faisant, le G15+ joint sa voix au milieu municipal, qui a pris la parole par l’entreprise d’une quarantaine de maires et mairesses, pour inviter le gouvernement du Québec à mettre en place un programme d’appui à la réalisation de projets d’aménagements urbains adaptés au climat. Les crises multiples auxquelles nous faisons face nous obligent à apprendre à construire beaucoup plus de logements pour répondre à des besoins variés tout en respectant nos écosystèmes. Ne perdons pas de vue l’ampleur des effets que l’aménagement de notre milieu de vie peut avoir sur notre bien-être individuel et collectif.

Cosignataires

Martin Vaillancourt, directeur général du Regroupement des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ); Nathalie Prud’homme, présidente de l’Ordre des urbanistes du Québec; Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales chez Équiterre; Béatrice Alain, directrice générale du Chantier de l’économie sociale; Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec; Denis Bolduc, secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ); Andréanne Brazeau, analyste principale des politiques à la Fondation David Suzuki; Nancy Croussette, directrice générale par intérim de l’Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ); Isabelle Dubé-Côté, présidente et cheffe de la direction d’Écotech Québec; Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville.

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