Lettre ouverte par Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ, publiée dans Le Soleil le 7 juillet 2022.
Depuis deux mois, je sillonne les quatre coins du Québec pour aller à la rencontre des maires et des employeurs. J’entends les mêmes préoccupations d’une région à l’autre, d’un domaine d’activités à l’autre : la pénurie de main-d’œuvre frappe fort. Et l’appel à l’aide est encore plus criant en régions.
Les élus municipaux et les entreprises, petites ou grandes, semblent prêts à tout pour trouver des solutions concrètes pour répondre aux problèmes de pénurie de main-d’œuvre. Certains employeurs ont redoublé de créativité et ont pris le taureau par les cornes. Plusieurs se sont lancés dans un projet de développement résidentiel, découragés qu’il n’y ait aucun logement disponible pour les candidats. D’autres ont investi massivement en robotisation et ont accru leur productivité, même si ce n’est pas la panacée. Sans surprise, quelques entreprises ont consenti d’importantes augmentations salariales pour espérer fidéliser leur personnel. Ce sont de belles initiatives, mais ne faisons-nous pas que retarder l’inévitable?
Le tableau ne s’améliore pas avec la montée en flèche de l’inflation, symptôme à la fois de la pandémie, la guerre en Ukraine et la faiblesse des chaînes logistiques. Elle touche tout particulièrement nos régions du Québec. En Gaspésie, la saison de la pêche commence à peine à cause du prix exorbitant de l’essence. Les travailleurs espèrent économiser dans les déplacements et sortir les bateaux au plus fort de la saison. Même constat en Mauricie et au Saguenay Lac-Saint-Jean: on doit faire une croix sur certains contrats, avec l’explosion des coûts des matériaux de construction et du transport. Enfin, le manque de logements nous fait passer à côté de multiples opportunités d’affaires. Les exemples sont nombreux et illustrent l’ampleur des défis à venir. C’est à se demander si les régions ne vivent pas de façon plus accentuée les répercussions de la forte inflation que nous traversons.
L’inflation jumelée à la pénurie de la main-d’œuvre et de logements, ça fait tout un cocktail d’adversité pour nos employeurs. Certains économistes parlent d’une possible récession. D’autres estiment qu’on pourrait s’en sortir avec un atterrissage en douceur. Dans tous les cas, autant le gouvernement du Canada que le gouvernement du Québec peuvent mettre en place des mesures pour aider les citoyens et les employeurs. Il faut rappeler que l’inflation est le résultat d’une combinaison de demande forte et de production limitée; il faudrait donc nécessairement renforcer la capacité de production. Pour mieux faire face à la tempête, le Conseil du patronat du Québec propose dès aujourd’hui des solutions applicables dans ce contexte exceptionnel.
Les gouvernements doivent soutenir la hausse de la productivité des entreprises, favoriser le développement et la résilience de nos chaînes logistiques et infrastructures de transport en plus d’encourager le rapprochement de certaines chaînes de valeurs. En résumé, il faut privilégier toute mesure ou initiative qui réduira la pression sur les coûts des entreprises et augmentera l’offre. Par exemple, il faut continuer de miser sur la formation, l’automatisation et la robotisation pour les tâches à plus faible valeur ajoutée, et faciliter l’accès aux différents programmes gouvernementaux qui vont en ce sens.
Il faut également augmenter l’offre de travail notamment en le rendant toujours plus payant, et alléger le fardeau fiscal des entreprises, en réduisant notamment les cotisations sur la masse salariale. Cela aura pour effet de dégager une certaine marge de manœuvre aux entreprises qui subissent des pressions salariales. Ainsi, à cet égard, le gouvernement fédéral devrait continuer de geler les cotisations au régime d’assurance-emploi. Le gouvernement du Québec, lui, pourrait réduire les cotisations au FSS. Mentionnons que le contexte est propice: les recettes des gouvernements bénéficient de l’inflation et sont en augmentation.
Avec la campagne électorale provinciale à nos portes, toutes les formations politiques doivent proposer des idées qui aideront le Québec à faire face aux défis du moment. J’invite les chefs de parti politique à s’attaquer sérieusement à la question, car l’inflation est généralement synonyme de récession. Si rien n’est fait, il semble que toutes les régions risquent d’en faire les frais.