Depuis le 1er juin 2022, toutes les entreprises exerçant leurs activités au Québec doivent se conformer aux nouvelles dispositions de la Charte de la langue française, modifiées par la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Une partie de ces obligations concerne les communications écrites au sein de l’entreprise. Margaux Brunière, directrice adjointe, Stratégie et développement des affaires, Fannie Denault, traductrice agréée et conseillère linguistique, et Isabelle Veilleux, traductrice agréée, toutes trois du cabinet de traduction TRSB, parlent des avantages d’offrir des documents de travail traduits ou rédigés dans un français de qualité.
Les avantages d’un bon français dans la documentation d’entreprise
D’emblée, Isabelle Veilleux tient à apporter une précision au sujet de la qualité du français, s’adressant à celles et ceux qui seraient tenté·e·s de confier à Google Traduction leurs tâches de traduction : « Au-delà des mots, même si tous les mots sont en français dans une phrase, celle-ci n’est pas nécessairement en français. » La traductrice fait notamment référence à la syntaxe, aux expressions propres au français et même à la ponctuation, car ces aspects exposent bien souvent les limites du logiciel. D’où l’importance d’investir dans des services de langagier·ère·s professionnel·le·s.
Une meilleure compréhension
Un premier avantage, peut-être le plus évident : lire un texte bien écrit dans sa langue facilite la compréhension – et le taux de rétention – du message, peu importe sa nature.
En entreprise, le personnel reçoit beaucoup d’informations écrites d’importance.
Au premier rang se situe sans doute la documentation reliée à la santé et à la sécurité au travail, un sujet dont l’importance a justifié de lui consacrer son propre article : Un français de qualité contribue à la santé et à la sécurité au travail.
Mais au-delà des questions de sécurité, beaucoup de renseignements utiles et même essentiels au fonctionnement de l’entreprise doivent être compris, même si une compréhension moindre ne menace pas l’intégrité physique ou mentale des personnes.
Une formation, par exemple, qui n’est donnée qu’en anglais (ou en français approximatif) à un groupe comprenant des francophones, a le potentiel de rater quelques cibles. « Les francophones peuvent manquer certaines informations clés, ce qui ralentira l’assimilation et le développement de certaines compétences, alors même que les entreprises investissent du temps et de l’argent dans la formation de leurs employé·e·s », explique Margaux Brunière.
Une efficacité accrue
De la compréhension à l’efficacité, il n’y a qu’un pas.
Qui n’a pas vécu de situations où un message incompris a mené à une perte de temps, de productivité, etc.? C’est même arrivé à Fannie Denault : « J’en ai vécu, des situations où on n’arrive pas à être aussi efficace parce que la communication n’est pas claire, parce que la qualité du français est… je dirais… piètre. On ne comprend rien, et là, c’est du va-et-vient pour essayer de comprendre. »
Des processus aussi peuvent perdre en vitesse et en efficacité : « Dans le train-train quotidien de la production, si on ne se comprend pas [à cause d’un mauvais français], ça va être difficile, techniquement, de fonctionner », ajoute la conseillère, qui souligne également que, si un bon français écrit contribue à des opérations efficaces, il signifie aussi moins de frustration « parce que c’est frustrant, ne pas comprendre ce qu’on nous dit. »
Une marque employeur forte
Une entreprise qui démontre sa volonté de communiquer dans une langue de qualité contribue à renforcer sa marque employeur. Un aspect non négligeable dans l’état actuel du marché de l’emploi pour trois raisons :
1. Une question de respect
« On veut parler aux gens dans leur langue maternelle parce qu’ils sont plus à l’aise, parce qu’ils préfèrent que l’on communique avec eux dans leur langue maternelle, déclare Margaux Brunière. Et si c’est une communication de qualité, qu’elle est importante pour l’entreprise, c’est aussi une forme de respect. »
Un respect potentiellement attirant pour les travailleurs et travailleuses.
2. Inclusivité et sentiment d’appartenance
Margaux Brunière souligne un autre aspect intéressant. « On parle de plus en plus de la rédaction inclusive pour incarner les politiques d’inclusion envers toutes les communautés. Mais l’inclusion passe aussi par la langue. » Et si cette inclusion est gérée de façon adéquate, elle montre aux employé·e·s francophones qu’ils et elles sont aussi important·e·s que leurs collègues anglophones, ce qui alimente leur sentiment d’appartenance.
3. Investir dans ses premier·ère·s ambassadeur·drice·s
La directrice adjointe relève enfin qu’un·e employé·e comblé·e par son environnement de travail va devenir un·e ambassadeur·rice naturel·le, non seulement pour l’entreprise en tant qu’employeuse, mais également pour les produits de la marque. « De la même façon que les entreprises investissent de l’argent pour traduire [leurs emballages] parce qu’elles veulent convaincre leurs clients, elles devraient manifester le même intérêt à l’égard de leurs employé·e·s et des client·e·s potentiel·le·s qui vont aussi parler à leurs ami·e·s, à leurs collègues… Et on sait qu’aujourd’hui, avec les réseaux sociaux et autres, les employé·e·s sont les premier·ère·s ambassadeur·drice·s d’une marque. »
La préservation de la langue française
Fannie Denault rappelle finalement un point essentiel qu’il ne faut pas non plus perdre de vue : la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français vise surtout à assurer sa protection. « C’est une bonne chose, conclut-elle. À long terme, on va s’adapter, et c’est quelque chose qui va protéger la langue. On ne le fera jamais assez! »
Quels documents?
Sous réserve de certaines dispositions prévues dans la loi, voici la liste des documents d’entreprise devant être offerts dans un français de qualité :
- les offres d’emploi (de mutation ou de promotion);
- les contrats individuels de travail;
- les communications adressées au personnel, à un·e travailleur·euse ou à une association de travailleur·euse·s, incluant les communications suivant la fin du lien d’emploi avec un·e employé·e;
- les documents relatifs aux conditions de travail;
- les documents de formation.