Commerce – Le Canada doit tenir compte de la montée du protectionnisme

Il y aura plusieurs autres appels d’offres publics dans le futur. Nous pressons le gouvernement canadien de faire en sorte que ses politiques publiques d’approvisionnement local tiennent compte de la montée du protectionnisme mondial.

Lettre d’opinion cosignée par le PDG du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval, publiée dans La Presse+ le 13 décembre 2018.

VIA Rail Canada, société de la Couronne fédérale, vient d’accorder un contrat de près de 1 milliard au géant allemand Siemens afin de se procurer du nouveau matériel roulant pour desservir le corridor Québec-Windsor.

Ces nouvelles rames seront fabriquées en Californie. Bien que VIA Rail ne puisse exiger, en vertu des ententes commerciales, un contenu local pour qu’une entreprise puisse soumissionner, il est tout de même alarmant de penser qu’aucune appréciation pour les retombées économiques locales ne pourrait être considérée dans les offres qui seront déposées.

Nous assistons depuis plusieurs années à une montée du protectionnisme américain et de plusieurs de nos partenaires commerciaux.

On n’a qu’à penser au Buy America Act, qui stipule que le coût des composantes fabriquées aux États-Unis doit être supérieur à 65 % du coût de toutes les composantes, et que l’assemblage final doit avoir lieu aux États-Unis.

En Israël, l’exigence de contenu local est de 20 %. La Chine a également des mesures protectionnistes favorisant clairement ses champions industriels ou exige la formation de coentreprises. En Europe, quoiqu’il n’y ait pas d’exigence similaire, les niveaux d’approvisionnement transfrontalier direct demeurent très faibles (3,5 % en 2015), et la grande majorité des contrats sont accordés à des entreprises locales ou étrangères ayant une main-d’œuvre et des installations locales.

Le message que reçoivent nos manufacturiers est qu’il n’est pas nécessaire de rester au Canada pour accéder au marché canadien, mais qu’il est essentiel qu’ils s’établissent à l’étranger pour pouvoir exporter.

Alors que le Canada multiplie les accords de libre-échange et ouvre son marché aux acteurs mondiaux, force est de constater que nous perdons des parts de marché à l’international. Selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2000, le Canada s’emparait de 4,3 % des exportations mondiales alors qu’en 2017, il ne représentait que 2,4 %.

En parallèle, les investisseurs canadiens se ruent chez notre voisin américain. L’investissement direct étranger (IDE) canadien aux États-Unis a bondi de 20 à 100 milliards de dollars entre 2012 et 2017. Plusieurs des membres manufacturiers nous disent clairement qu’ils doivent investir et s’implanter dans d’autres pays s’ils veulent avoir accès à ces marchés. Dans la pratique, il n’y a pas de réciprocité.

Dans ce contexte, que fait le Canada?

Nos politiques d’approvisionnement local respectent les accords de libre-échange signés et les règles du commerce international. Toutefois, le secteur manufacturier canadien va s’éroder si nous ne réagissons pas rapidement avec des contenus locaux équivalents à ceux de nos concurrents.

Nous croyons fermement que le Canada et le Québec doivent rester attachés à la libéralisation des échanges, mais nous devons être conscients des politiques des autres.

Il y aura plusieurs autres appels d’offres publics dans le futur. Nous pressons le gouvernement canadien de faire en sorte que ses politiques publiques d’approvisionnement local tiennent compte de la montée du protectionnisme mondial.

Dans le cas de VIA, nous aurions aimé un message fort du gouvernement canadien pour que ce projet, financé par des fonds canadiens, profite aussi aux manufacturiers et aux travailleurs canadiens, et non seulement aux travailleurs américains, et que la chaîne d’approvisionnement puisse profiter aussi aux entreprises d’ici.

Signataires

Yves Thomas Dorval, président-directeur général du Conseil du patronat du Québec
Stéphane Forget, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec
Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec

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