Harcèlement psychologique : la Cour d’appel renverse la Cour supérieure sur la question de l’autorité de la chose jugée

Note juridique de Me Guy-François Lamy, directeur – Affaires juridiques au Conseil du patronat du Québec, publiée le 15 septembre 2015.

Le 7 février 2014, nous vous faisions part d’un jugement de la Cour supérieure du Québec agissant en vertu de son pouvoir de contrôle d’une décision de la Commission des relations du travail (CRT). Par ce jugement, la Cour supérieure affirmait qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles (CLP) se prononçant sur une réclamation pour lésion de nature psychologique découlant d’une situation de harcèlement psychologique empêchait la CRT de se prononcer à nouveau sur la situation de harcèlement.

Or, ce jugement a été renversé, avec dissidence, le 31 août dernier, par la Cour d’appel du Québec(1).

Selon les motifs de la majorité, sous la plume de l’Honorable Dominique Bélanger, la distinction entre la plainte à l’encontre d’une situation de harcèlement psychologique prévue à la Loi sur les normes du travail et la réclamation pour une lésion professionnelle de nature psychologique en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles sont deux recours distincts, que le législateur a souhaité préserver cumulatifs.

Selon la juge Bélanger, « les deux recours n’ont ni le même objet, ni la même cause, quoiqu’il faille admettre que, dans certains cas, la compétence de l’un puisse se rapprocher de celle de l’autre. » D’une part, la CRT doit décider si un salarié a été victime de harcèlement psychologique et d’autre part, la CLP doit déterminer l’existence d’une lésion psychique et ensuite, se prononcer sur la relation entre cette lésion et les événements vécus par le travailleur sur son lieu de travail.

Conséquemment, on ne peut, selon la juge Bélanger, appliquer la théorie de l’autorité de la chose jugée, ou de la chose jugée implicite, dans ce contexte.

Les deux tribunaux conservent en effet leurs compétences propres sur une même situation. En effet, toujours selon la juge, la CLP n’avait pas à se prononcer sur la situation de harcèlement psychologique, cette compétence étant exclusivement attribuée à la CRT et cette dernière ne pouvait donc rejeter la demande de la salariée sur la foi de la décision de la CLP. La CRT pourra malgré tout, selon la juge, tenir compte de la décision de la CLP, sans y être liée.

La question en litige dans cette affaire est une préoccupation importante des parties impliquées dans ce type de dossiers. Ce jugement de la Cour d’appel rappelle l’importance de continuer de travailler à trouver des solutions efficaces afin de simplifier la gestion des recours découlant de situations de harcèlement psychologique allégué. La création de la nouvelle Commission des normes, de l’équité et de la santé et de la sécurité du travail et du nouveau Tribunal administratif du travail est par ailleurs une occasion à saisir pour travailler à cette recherche de solutions.

Citons justement, à ce propos, les motifs de la juge Bélanger :

« Au final, il est légitime d’être préoccupé par la question du gaspillage des ressources que la reprise complète des témoignages rendus devant une instance pourrait causer. Les parties doivent, de façon responsable, éviter la reprise complète des témoignages d’une instance à l’autre. Je souligne que la CRT possède tous les pouvoirs de gestion nécessaires et la souplesse requise dans l’administration de la preuve présentée devant elle pour faire en sorte d’éviter un tel gaspillage. »

Me Guy-François Lamy

Directeur – Affaires juridiques
514-288-5161, poste 224
[email protected]

Note

  1. Durocher c. Commission des relations du travail, 2015 QCCA 1384. Notons qu’une autre question en litige soumise à la Cour concernait une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante et que la Cour d’appel a confirmé la Cour supérieure quant à l’irrecevabilité de cette plainte.
    * La présente note d’information ne constitue pas un avis juridique.
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