Une stratégie nationale de la main-d’œuvre qui place l’humain au centre

Lettre d’opinion du président-directeur général du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval.


Le Huffington Post Québec, p. web – 17 février 2017

L’accessibilité à une main-d’œuvre en adéquation avec les besoins du marché du travail est un défi crucial pour l’économie québécoise, qui n’est pas à l’abri des vents des mutations technologiques fréquentes et de plus en plus accélérées, de la mondialisation et d’une démographie vieillissante. Cet enjeu complexe, qui concerne directement tant les employeurs que les travailleurs, doit impérativement mobiliser l’ensemble des forces vives du Québec, notamment les institutions d’enseignement, le gouvernement et les diverses associations, si l’on veut dégager des solutions véritablement porteuses de prospérité au bénéfice de toute la société.

Le gouvernement du Québec peut disposer de nombreux programmes et initiatives, actuels ou à venir, mais il manque deux ingrédients majeurs: une plus grande pénétration de ceux-ci auprès des parties prenantes et une collaboration plus efficace pour stimuler des plans d’action communs. Or, comme il l’a fait pour certains secteurs de l’économie, il est nécessaire que le gouvernement se dote d’une stratégie nationale novatrice en matière de main-d’œuvre, et que cette dernière puisse intervenir de façon prioritaire sur quatre fronts: mieux adapter les compétences des individus aux besoins du marché du travail, accroître l’accompagnement des employeurs, améliorer l’agilité des institutions d’enseignement et assurer la proactivité de l’appareil étatique.

Notons que, selon les résultats d’un sondage CPQ-Léger, ce sont 70% des employeurs qui éprouvent des difficultés de recrutement de main-d’œuvre, tous secteurs et tailles d’entreprise confondus. Ce pourcentage est inquiétant. Les raisons avancées concernent principalement le niveau de compétence générale de base insuffisant, la nature de certains postes requérant une qualification spécifique difficiles à combler ou encore de besoins technologiques trop rapides ou difficiles à suivre.

En y mettant les efforts nécessaires sur plusieurs plans, le Québec peut disposer d’un capital humain suffisant. Cependant, il faut assurer la réalisation du plein potentiel de ces ressources humaines sur le marché du travail. D’un côté, on peut attribuer les lacunes actuelles au problème de l’adaptation des compétences, auquel le système d’éducation pourrait répondre de façon plus efficace. D’un autre côté, des efforts supplémentaires doivent être faits pour mieux informer et orienter la relève et pour la sensibiliser davantage aux risques du décrochage scolaire et aux avantages de la diplomation. Par ailleurs, force est d’admettre que l’intégration de certains groupes sous-représentés dans le marché du travail n’est pas réussie.

En fait, selon le même sondage, seulement le quart des entreprises ont à leur emploi des immigrants (24%) ou des personnes issues de minorités visibles (22%), une sur dix (10%) emploie des personnes souffrant d’un handicap ou en réinsertion sociale, et seulement 4% emploient des travailleurs issus de communautés autochtones. Des améliorations à cet égard doivent être faites, et vite.

En matière de formation, il importe avant tout de mieux arrimer l’offre aux besoins du marché du travail pour les différents types de travailleurs (futurs, actuels, entrepreneurs, immigrants, etc.), et les employeurs peuvent contribuer activement à cet effort s’ils étaient davantage impliqués dans les décisions. Entendons-nous: cela ne doit pas aller au détriment des programmes plus traditionnels, nécessaires à la formation humaniste et scientifique des étudiants, mais pourrait venir bonifier ou promouvoir davantage certains cursus de façon à mieux remplir les carences de compétences techniques plus criantes.

Parallèlement, rappelons que la compétitivité des entreprises dépend pour beaucoup de leur capacité interne à évoluer, à intégrer les nouvelles technologies et à innover dans un contexte de plus en plus exigeant. Un soutien plus étoffé en matière de gestion du capital humain, de changement technologique, de l’organisation du travail et de l’intégration de la diversité est donc névralgique afin qu’elles arrivent à faire face à l’évolution rapide du marché du travail.

Mais le gouvernement doit aussi faire preuve de leadership éclairé en mettant en place les mesures nécessaires pour favoriser une meilleure attraction et intégration de l’immigration ainsi que des groupes sous-représentés sur le marché du travail, en déployant rapidement une politique sur la persévérance scolaire et la réussite éducative et en fournissant aux divers intervenants un cadre budgétaire plus probant, flexible et prévisible.

À la lumière de ces constats, il est clair que la mise sur pied d’une stratégie nationale sur la main-d’œuvre qui place l’humain au cœur du développement économique représente la voie inéluctable pour rassembler toutes les parties prenantes autour d’un engagement commun, qui est celui de réaliser la vision d’un Québec moderne, apprenant, compétent, inclusif et ouvert sur le monde.

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