Remettre les choses en perspective concernant les régimes de retraite et disparités de traitement


Modifications aux dispositions portant sur les disparités de traitement, au regard des régimes de retraite et d’avantages sociaux

Dans le cadre du projet de réforme de la Loi sur les normes du travail, le gouvernement du Québec a annoncé son intention d’apporter des modifications aux dispositions portant sur les disparités de traitement, au regard des régimes de retraite et d’avantages sociaux, qui pourraient avoir des conséquences importantes pour les employeurs du Québec.

En réaction à la motion adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec le vendredi 1er décembre 2017 sur ce même sujet, le Conseil du patronat du Québec et la Fédération des chambres de commerce du Québec ont fait part de leurs préoccupations à l’ensemble des députés.

Voici la lettre qui leur a été acheminée le jeudi 7 décembre 2017.

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Montréal, le 7 décembre 2017

Madame,
Monsieur,

Plusieurs intervenants ont fait des pressions pour demander l’élimination des différences de régimes de retraite et avantages sociaux offerts à certains employés en fonction de leur date d’embauche.

Or, plusieurs éléments concernant cet enjeu sont passés sous silence et nous aimerions vous faire part de ceux-ci.

Respecter ses promesses

À travers le monde, il est devenu évident que les risques financiers associés aux régimes de retraite à prestations déterminées menaçaient de plus en plus le développement, voire l’existence de plusieurs employeurs. Conséquemment, les employeurs ont modifié leur approche en matière de régimes complémentaires en offrant désormais d’autres types de régimes, tels ceux à cotisations déterminées, qui, dans la plupart des cas, comportent une contribution d’exercice équivalente de la part des employeurs, mais ne mettaient plus un risque financier invivable. Dans d’autres pays, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, la vaste majorité des employeurs ont simplement terminé les régimes à prestations déterminées pour n’offrir que des régimes à cotisations déterminées, ou autres régimes du genre.

Les employeurs canadiens ont majoritairement décidé d’agir autrement, sur la base du principe du respect de la promesse faite aux employés embauchés précédemment lorsqu’elles offraient des régimes à prestations déterminées. Au lieu de mettre fin à ces régimes, ces employeurs canadiens ont fait le choix de cesser d’offrir les régimes à prestations déterminées pour les nouveaux employés, tout en maintenant la promesse faite aux anciens employés de maintenir le régime offert à leur embauche. C’est une question simple de responsabilité et de respect à l’égard d’un engagement fait aux employés déjà engagés.

Contreparties équivalentes

Parallèlement, les employeurs n’ont pas nié l’importance d’offrir des conditions attrayantes également pour les nouveaux employés, que ce soit pour la rémunération, pour les avantages sociaux ou pour la retraite. C’est pourquoi ils ont, dans la plupart des cas, décidé ou négocié des régimes différents pour les nouveaux employés pour lesquels la contribution d’exercice d’employeurs est équivalente, donc sans disparité de traitement, ou bien ils ont offert d’autres types de rémunération ou d’avantages en contrepartie.

Il y a même des employeurs qui offrent maintenant de l’intéressement à l’actionnariat sous forme d’actions dans la compagnie. Bref, on offre des équivalences.

Plus de flexibilité pour la nouvelle génération

Les régimes offerts à ces nouveaux employés offrent des avantages différents, qui peuvent s’avérer plus intéressants pour cette nouvelle génération d’employés.

Premièrement, la jeune génération de travailleurs n’a plus les mêmes objectifs de carrière que les anciens employés au sein d’une même entreprise et ils changeront plusieurs fois d’employeurs tout au long de leur vie professionnelle. Or, lorsqu’un travailleur quitte son emploi après une période plus courte, le montant d’argent acquis, lorsque le régime est à cotisation déterminée, peut être plus important que celui d’un régime à prestations déterminées dont les acquis pour l’employé surviennent beaucoup plus tard au cours de sa carrière au sein d’un même employeur. Les employés qui changent plus souvent d’emploi après de courtes périodes sont donc gagnants.

Le deuxième avantage pour la jeune génération, c’est qu’elle n’a pas à hériter des orientations d’investissement du régime de ses prédécesseurs, influencées par la démographie du groupe qui est souvent plus âgée. Les jeunes individus veulent avoir davantage le contrôle pour répondre à leurs propres besoins et objectifs en fonction de leur situation. C’est justement ce qu’offrent plusieurs des nouveaux régimes à ces jeunes employés, y compris pour d’autres types d’avantages sociaux.

D’ailleurs, dans beaucoup de cas où il y a eu des transformations, lorsque le choix a été offert aux employés, il s’est avéré que les jeunes ont majoritairement opté pour des régimes différents de ceux de leurs prédécesseurs.

Risques de conflits

On comprendra que si les employeurs du Québec sont dorénavant exposés à l’interdiction de cette flexibilité dans l’offre de régime, ils suivront l’exemple de la plupart des autres employeurs à travers la planète et mettront fin aux régimes à prestations déterminées pour n’offrir que des régimes à cotisations déterminées. Ceci implique des risques de conflits de travail beaucoup plus long, beaucoup plus dur et beaucoup plus coûteux pour toutes les parties. Malheureusement, les syndicats n’ont pas fait mention des risques que cela représente notamment pour les travailleurs concernés dont la date d’embauche précède les transformations.

Rester compétitif

Si les normes deviennent trop restrictives au Québec, il est clair que les décisions d’investissement des grands employeurs dans le futur vont se prendre ailleurs et ce n’est pas une question d’iniquité ni de disparités, puisque les employeurs qui sont responsables veulent continuer à offrir les meilleures conditions possible pour attirer et retenir leurs employés. Mais, les employeurs tiennent compte de l’environnement règlementaire et ne veulent plus être exposés à des risques financiers qui sont externes à la mission de l’entreprise.

La véritable équité

Enfin, si la préoccupation de certains groupes et syndicats est l’équité intergénérationnelle, ils devront pousser leur réflexion plus loin et proposer des formules qui toucheront également les retraités actuels sur ces régimes. Nous considérons que les employeurs canadiens concernés ont fait preuve de beaucoup de responsabilité, voire davantage que dans certains autres pays industrialisés. Les pénaliser aujourd’hui par une nouvelle réglementation sur les régimes de retraite complémentaires et autres avantages sociaux serait un non-sens et occasionnerait des conséquences importantes.

En espérant que vous allez considérer ces différents éléments chers aux employeurs du Québec, nous vous prions d’agréer nos salutations distinguées.

Yves-Thomas Dorval, Adm.A., ASC, ARP

Le président-directeur général du CPQ

Stéphane Forget, MBA

Le président-directeur général de la FCCQ



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