Marché du carbone – Préserver le développement économique

Lettre d’opinion cosignée par le président-directeur général du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval.


La Presse+, p. web – 21 août 2017


yves-thomas-dorval_150px
Le gouvernement du Québec s’apprête à dévoiler la réglementation qui donnera effet à une nouvelle mouture du marché du carbone pour la période 2021-2030.

Ce marché constitue une pierre angulaire de la stratégie de la lutte contre les changements climatiques du Québec, initiative à laquelle les entreprises et nous avons souscrit.

D’emblée, il est important de rappeler que, par rapport à 1990, plus de la moitié de la réduction nette des GES au Québec est le fruit des efforts des entreprises du secteur industriel, mais aussi de la fermeture de grandes usines émettrices.

Le secteur industriel québécois est d’ailleurs extrêmement fier d’avoir réduit ses émissions de GES de près de 20 % depuis 1990, et donc d’avoir significativement contribué à cheminer vers les cibles gouvernementales.

Il a déjà été démontré à maintes reprises que l’industrie québécoise avait dépassé les attentes et fait sa juste part à cet égard. Certaines de nos usines sont d’ailleurs considérées comme étant parmi les plus performantes au monde dans leur secteur.

Cet effort a cependant des impacts économiques non négligeables pour les entreprises d’ici. Puisque les principaux partenaires commerciaux du Québec, dont une vaste majorité d’États américains, n’ont pas encore adopté un mécanisme de tarification carbone comparable au nôtre, les entreprises québécoises portent actuellement ce coût du carbone « à bout de bras ».

Il s’agit d’un immense désavantage compétitif, puisque leurs principaux concurrents n’y sont pas assujettis. Le problème n’est donc pas tant que le gouvernement provincial tende à alourdir ce fardeau au fil du temps, mais plutôt qu’il cherche à le faire à un rythme extrêmement rapide par rapport à nos partenaires commerciaux.

Pourtant, le secteur des affaires du Québec est plus outillé que jamais pour relever le défi de la croissance propre du Québec en soutenant les autres secteurs de l’économie où la réduction des émissions de GES est encore viable, notamment celui du transport. L’ingéniosité des entreprises québécoises, le savoir-faire de sa main d’œuvre et l’effervescence des technologies propres sont, plus que jamais, mobilisés à cet effet.

En consacrant dans son projet de règlement une nouvelle réduction de l’allocation gratuite de crédits carbone aux entreprises, le gouvernement risque de nuire considérablement à toute activité industrielle d’envergure en sol québécois.

La lourdeur du fardeau financier qui découlera de cette réglementation accélérera vraisemblablement l’érosion déjà bien entamée du tissu industriel québécois. Ainsi, plusieurs entreprises iront probablement prendre racine au sein de territoires où les cibles de réduction de GES sont beaucoup moins ambitieuses – voire inexistantes – que celles déjà en vigueur au Québec et auxquelles les entreprises se conforment.

Ironiquement, en favorisant la délocalisation de la production industrielle, le gouvernement du Québec ne fait que déplacer et aggraver le problème ; le réchauffement climatique est une problématique globale qui ne dépend pas du pays ou de la province où sont émis les GES.

Aider le secteur des transports

Pour poursuivre le bel élan du Québec, il est maintenant temps d’aider le secteur des transports, notamment celui du transport routier, à améliorer son bilan en matière d’émissions. En effet, le secteur des transports constitue la principale source d’émissions de GES au Québec, mais il a augmenté ses émissions de plus de 20 % depuis 1990.

Cela revient à dire que durant la même période, le secteur des transports augmentait ses émissions de GES dans la même proportion que le secteur industriel les réduisait. Or, le gouvernement travaille actuellement sur l’élaboration d’une première Politique de mobilité durable. Il doit donc saisir cette occasion pour infléchir cette tendance.

En toute cohérence, le nouveau cadre réglementaire doit tenir compte de la compétitivité des entreprises. Pour entrer dans une véritable dynamique de développement durable, le gouvernement doit permettre aux entreprises d’accéder à une croissance vigoureuse et d’adhérer à une dynamique d’innovation qui, à terme, améliorera davantage l’inventaire québécois des émissions de GES.

Signataires

Hélène Lauzon, présidente directrice générale du Conseil patronal de l’environnement du Québec, Yves-Thomas Dorval, président- directeur général du Conseil du patronat du Québec, et Stéphane Forget, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Est-ce que cela a été utile ?
OuiNon

Publié par