Un Québec résilient pour une prospérité durable

Dans son dernier ouvrage intitulé Antifragile, l’écrivain américain d’origine libanaise, Nassim Nicholas Taleb, fait l’apologie de systèmes qui tirent parti du désordre et de l’imprévisibilité du monde pour créer de nouvelles formes plus résilientes.

Plus durables. Plus prospères.

La résilience est cette faculté qu’ont les personnes, les systèmes et les organisations à survivre aux variations soudaines de leur environnement. Et comme l’écrit Taleb, il ne suffit pas de survivre, mais de tirer parti de ces variations.

La nature est un système très résilient. Chaque phénomène extrême — éruption volcanique, ouragan, tremblement de terre — détruit un paysage pour en voir naître un nouveau. De nouvelles espèces animales, de nouveaux horizons en sont chaque fois le résultat plus durable.

La nature crée sa propre diversité pour se prémunir contre les catastrophes en série.

Vers un capitalisme durable

Étrangement, nous avons pendant longtemps pensé le développement économique à rebours du concept de résilience.

Encore aujourd’hui, il n’est pas rare, dans les discours politiques, de voir l’environnement opposé à l’économie. Or, comme le clament haut et fort les tenants du développement durable — qui prêchent le triple bottom line (rentabilité environnementale, économique, sociale) comme moteur d’un nouveau capitalisme — cette conception du monde est dépassée.

En effet, l’économie sur-optimisée d’hier mène à des situations où la moindre petite modification de l’environnement engendre des conséquences qui se multiplient sur l’ensemble du système. Cette interdépendance, souvent acquise sous couvert d’une prétendue “efficacité”, est plutôt le produit d’une grande fragilité.

“Too big too fail”, disait-on à l’époque.

Un g****é****ant aux pieds d’argile

La crise de 2008 est l’exemple par excellence de ce déficit de résilience. Des décisions en apparence marginales au sein du système financier ont causé le cataclysme économique que nous connaissons. C’est ce principe d’effet de cascade qui se produit lorsque nos systèmes sont trop peu résilients.

C’est en ce sens que l’économiste, Joseph Schumpeter, proposait au siècle dernier la notion de destruction créatrice : la prospérité se crée en détruisant des structures anciennes pour les remplacer par de nouvelles.

C’est un processus difficile, mais nécessaire, qui requiert que soient protégés les individus qui se trouvent pris au milieu de la tourmente.

C’est là toute la beauté des filets sociaux qui permettent la réinvention permanente des organisations et des individus qui les habitent : les sociétés deviennent plus prospères tout en permettant la participation durable du plus grand nombre.

La connaissance utile

La résilience, c’est aussi l’acquisition des connaissances qui « ne servent à rien ». Un argument qu’a fait valoir Alexandre Taillefer lors de sa récente conférence dans le cadre de Creative Mornings Montr__éal
: les connaissances qui semblent n’avoir aucune utilité dans l’immédiat se révèlent souvent les plus précieuses quand le contexte change.

Lorsque des industries entières disparaissent, tout ce que vous savez sur votre activité, sur votre métier, sur le fonctionnement de la machine ou sur les habitudes de vos clients, tout cela devient caduc. Il ne vous reste que votre capacité à apprendre, ainsi que vos habiletés à écrire et à compter.

A fortiori, vos questionnements philosophiques.

À l’ère de l’innovation permanente, il est curieux de constater que nous accordons encore autant de valeur à l’hyperspécialisation technique.

Un Qu****é****bec r****é****silient

Certes, il faut doter le Québec d’infrastructures solides et efficaces, et d’une gouvernance capable de faire vivre au citoyen une expérience de la citoyenneté extraordinaire.

Mais bâtir le Québec de demain, c’est aussi le faire reposer sur un principe de résilience, de sorte que tout ne repose pas sur les épaules d’un seul géant, mais sur un peuple de géants capables de se supporter les uns les autres face à l’imprévu.

L’effervescence d’une économie mondialisée peut nous sembler inéluctable et menaçante. Pourtant, ce bouillonnement peut être transformé en avantage concurrentiel pour un peuple créatif comme le nôtre.

Faire de l’économie du Québec une véritable économie de la connaissance, c’est faire le pari d’une économie durable, résiliente et prospère. C’est d’avoir des idées en trop et ne pas trop savoir qu’en faire.

Mais puisque nous ne savons pas de quoi demain sera fait, mieux vaut s’y préparer, avec une capacité d’adaptation, des idées plein la tête et une résilience optimiste.

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