Le congé parental : peut-on vraiment se le payer?

Chronique de Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef du Conseil du patronat du Québec


Premières en Affaires, p. 8 – 31 décembre 2014


Norma-Kozhaya-small
Un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre récemment au Québec est celui du congé parental. Le gouvernement du Québec a créé tout un émoi lorsqu’il a laissé planer un doute quant à une révision à la baisse des bénéfices du régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Or, l’idée n’est pas si farfelue.

Le RQAP fait partie des programmes qui sont financés à même les cotisations des employeurs sur la masse salariale, tout comme le Fonds des services de santé, le Régime des rentes du Québec, le Régime de santé et sécurité du travail et le Régime d’assurance-emploi.

En vigueur depuis le 1er janvier 2006, il vise à soutenir financièrement les parents, ce qui est incontestablement un objectif louable. Si un tel régime n’existe pas ailleurs au Canada, les autres provinces ont aussi des dispositions en matière de congé parental à l’intérieur du cadre du Régime d’assurance-emploi.

Le RQAP est plus généreux que ce qui est en vigueur dans le reste du Canada, notamment, en ce qui concerne le taux de remplacement du revenu et le maximum des gains assurables(1).

En 2013, les cotisations à ce régime ont totalisé 1,98 milliard $, dont 1,13 milliard $ environ provenait des employeurs. Il faut souligner, par ailleurs, que le gouvernement fédéral accorde une réduction sur les taux de cotisation à l’assurance-emploi prélevée au Québec pour tenir compte du RQAP(2). Depuis sa mise en place, le taux des cotisations au RQAP a augmenté de près de 30 %. La dernière augmentation a eu lieu en 2012.

Si l’on additionne toutes les cotisations prélevées sur la masse salariale, on constate que les employeurs au Québec paient 30 % de plus que ceux de l’Ontario et 45 % de plus que la moyenne canadienne à cet égard. Comme ces cotisations s’ajoutent au coût du salaire nominal, elles ont un impact sur le niveau des salaires versés et sur le nombre d’emplois créés.

Face à ces constats, il faut donc se demander :

  • A-t-on les moyens d’entretenir un régime aussi généreux comparativement aux autres provinces?

  • Ce régime donne-t-il des résultats différents de ceux obtenus ailleurs?

    Pour répondre à ces questions, il faut tenir compte de la situation économique, de l’état de nos finances publiques, ainsi que de l’ensemble des cotisations sur la masse salariale payées par les employeurs et les travailleurs.

    Le produit intérieur brut (PIB) par habitant du Québec est 17 % moins élevé que la moyenne canadienne alors que la dette publique nette par habitant est de 48 % supérieure.

    L’un des objectifs du régime d’assurance parentale est d’augmenter le taux de natalité au Québec. Or, il se situe actuellement au même niveau que celui du Canada à 11 enfants par 1000 habitants et la courbe de fécondité au Québec suit celle des autres provinces qui ne disposent pas de RQAP. Les taux de natalité les plus élevés sont enregistrés dans les Prairies, où la croissance économique est la plus forte.

    La politique familiale au Québec ne se limite pas seulement au RQAP. Les autres programmes comprennent principalement celui des services de garde à contribution réduite (les garderies à 7,30 $), dont le budget était de 2,42 milliards $ en 2013-2014, le crédit d’impôt remboursable pour le soutien aux enfants, qui s’est chiffré à 2,22 milliards $ en 2013, et le crédit d’impôt remboursable pour frais de garde d’enfants à la hauteur de 557 millions $ en 2013.

    Ce n’est donc pas étonnant que des économistes aient qualifié le Québec de paradis des familles, ce dont nous pouvons être fiers.

    Ceci étant dit, devant les résultats observés en matière de natalité et l’état actuel des finances publiques, il est légitime de se demander si les bénéfices octroyés par le RQAP ne sont pas trop généreux. En même temps, il faut continuer à soutenir les parents. Ne pourrait-on pas envisager de retrancher une ou deux semaines de prestation, ou de réduire le maximum des gains admissibles, ce qui pourrait faire économiser rapidement des dizaines de millions de dollars sans décourager les parents d’avoir des enfants?

    Tout en ne compromettant pas l’objectif du RQAP, une telle révision du programme contribuerait à ce que les politiques publiques, incluant celles qui touchent la famille, la vie personnelle et la vie professionnelle, respectent davantage notre capacité de payer.

    Notes

    1. Le RQAP offre deux options aux parents, la plus utilisée est le régime de base qui offre 18 semaines de maternité à 70 % du salaire, 5 semaines de paternité à 70 %, 7 premières semaines parentales à 70 % et 25 semaines à 55 % du salaire. La deuxième option offre 15 semaines de maternité, 3 semaines de paternité et 25 semaines parentales à 75 % du revenu. Le maximum des gains assurables est de 69 000 $ en 2014. Dans le reste du Canada, les dispositions en vigueur consistent en 35 semaines de prestations parentales et 15 semaines de prestations de maternité à 55 % du revenu, avec un maximum de gains assurables de 48 600 $.
    2. La réduction au taux de cotisation à l’assurance-emploi est de 0,50 $ par 100 $ assurable pour les employeurs. En 2009, cette « réduction » s’élevait à environ 530 millions $ pour les employeurs du Québec alors que les cotisations totales au RQAP atteignaient 836 millions $, entraînant un coût additionnel total d’environ 300 millions $ pour les employeurs.​
Est-ce que cela a été utile ?
OuiNon

Publié par